lundi 30 juin 2014

Un jardin de belles vagabondes à la Cité de l'immigration (Palais de la Porte Dorée) - une création de l'artiste Liliana Motta

Pour celles et ceux qui ont raté l'invitation de la semaine passée, un des charmes de la rencontre avec les auteur(e)s du n°82 de Chimères (la revue) aura été, outre les tables rondes de libre conversation organisées par Anne Querrien (merci à elle et à la patiente et rhizomatique énergie qu'elle déploie en toutes choses) et les auteur(e)s qui se sont prêté(e)s au jeu, la redécouverte de ce lieu dont je n'avais que des souvenirs lointains (images de l'ancien musée des colonies, puis des Arts africains et océaniens). Et surtout, grâce à la présence de Liliane Motta, co-auteure du numéro de "Chimères" sur "l'herbe", découverte et visite de la luxuriance nomade qu'elle a su créer en ce jardin qui mérite une visite pour tou(te)s ceux (celles) resté(e)s proches des charmes des sentiers rêveurs et néanmoins savants des écoles buissonnières.
J'ai trouvé pour vous sur internet une vidéo où Liliane Motta parle de ce jardin. Les images sont anciennes et le jardin a déployé depuis lors une luxuriance, des parfums de mille et une nuits, une palette de riches couleurs, qui ne sont encore que promesses sur ces premières images. Quelques recoins de ce jardin, en dehors des visites de groupe thématiques, ne sont pas entièrement ouverts au public, mais si vous êtes des sautes ruisseaux respectueux et discrets des incursions furtives dans ces parties protégées paraissent possibles.

Un jardin pour le Palais de la Porte Dorée... par cite_histoire_immigration

jeudi 26 juin 2014

L'herbe, dans la revue Chimères (vient de paraître), l'âne vert s'y ébroue

 Couverture du N°82 de la revue Chimères (vient de paraître)
Un article de l'âne vert (Claude Harmelle) dans le numéro 82 de la revue Chimères (Editions ÉRÈS). Le titre est un ver de René Char : "Jadis, l'herbe était bonne aux fous et hostile au bourreau".
Beaucoup d'autres contributions à lire dans ce numéro de Chimères :
http://www.editions-eres.com/parutions/psychanalyse/chimeres/p3367-herbe-l-.htm
Et puis pour ceux (celles) qui seront à Paris le dimanche 29 juin (2014) une invitation :

La Rédaction de la revue Chimères et les éditions érès vous invitent
à la présentation du numéro 82 : 
L’herbe
coordonné par Anne Querrien, avec le concours de Marco Candore

Dimanche 29 Juin de 15h à 18h au Palais de la Porte dorée (Cité de l'immigration)
Salle du Forum ou dans le jardin selon la météo– Entrée libre
293 avenue Daumesnil Paris 12ème



vendredi 16 mai 2014

Expostion Amélie GALUP une femme photographe 1895-1901 à Guise (Aisne) du 17 au 20 mai



 Amélie Galup - Mardi gras, Saint-Antonin, 17 février 1898

Exposition Amélie GALUP (une femme photographe, expo centrée sur sa période 1895-1901) à Guise (Aisne)
C'est au Familia, rue Camille Desmoulins :
le samedi 17 mai de 10h à 12h et de 14h à 22h (nuit des musées)
le dimanche 18 mai de 10h à 12h et de 14h à 18h
le lundi 19 mai de 14h à 18h
le mardi 20 mai de 14h à 18h

dimanche 12 mai 2013

Fête du 1er Mai 2013 au Familistère Godin de Guise : extrait du spectacle des "Grandes personnes"



Dans le Jardin d'Agrément du Familistère Godin, un spectacle qui a captivé son public, "La ligne jaune" par la Compagnie "Les grandes personnes". Une histoire industrielle, celle de l'usine Renault de Cléon (en Normandie), racontée par ceux, ouvriers, syndicalistes, qui n'ont pas souvent la parole. Cette parole est portée ici, avec humour et truculence par la comédienne Raphaële Trugnan * qui fait vivre avec grand talent le dispositif scénique et le petit peuple des santons créés par ses associés des Grandes personnes. Le court extrait que je présente ici évoque, sans pathos, les évènements de mai 68 à Cléon. 
Pour en savoir plus sur la genèse de ce spectacle, l'ensemble des talents qui y ont contribué, et les programmations à venir :
http://www.lesgrandespersonnes.org/spip.php?article105

* Pauline de Coulhac et Christophe Evette (co-auteur du texte et co-metteur en scène du spectacle) assuraient la régie

samedi 27 avril 2013

Une belle réflexion sur le travail d'Ernst Jünger (lue en pensant à mon père, ce matin)

Michel, mon père, est à gauche sur la photo. A droite c'est son ami Monsieur Viard. Poissons, Haute-Marne, avril 1973

Ce matin en forêt, pour abattre du bois. Je m’y suis pris trop tard dans l’année : les bouleaux saignaient abondamment. Travail fatiguant. Je me suis dit : « Au fond, tu aurais pu envoyer quelqu’un d’autre, en le payant. Pendant ce temps, tu aurais pu gagner chez toi, et confortablement, plusieurs fois ce que tu perdais ainsi. ».

Réplique : « Oui, mais tu ne te serais pas mis en sueur. ».


Bien – car dans notre monde, il n’est rien de plus inadmissible que de comparer deux activités en prenant l’argent pour critère. Nous tombons alors au niveau du « times is money », cette devise qui est aux antipodes de la dignité humaine. Au contraire il y a de la vérité dans la réflexion de Théophraste : « Le temps est une dépense précieuse. »


Tout travail comporte quelque chose qui ne peut se payer et donne une satisfaction qui se suffit à elle même. C’est sur ce principe que se fonde l’économie véritable du monde, l’équilibre en profondeur du gain et de la dépense, le bénéfice assuré.


S’il en était autrement, le paysan devrait se mettre sous la dépendance du cours de la Bourse, et non de la terre, du soleil et du vent. L’auteur devrait étudier l’humeur changeante des masses et adapter son œuvre aux lieux communs reçus. Les fleurs disparaîtraient des jardins, et le superflu de la vie. Il n’y aurait plus ni haies, ni bosquets d’agrément, ni ruisseaux serpentants, ni espace vide entre deux champs.


Le travail devient sacré par ce qui, en lui, ne peut être payé. Nés de cette part divine, bonheur et santé se déversent sur les hommes. On pourrait aussi dire que la valeur du travail se mesure à la part d’amour qui s’y dissimule. En ce sens, le travail devient semblable au loisir : au plus haut niveau, l’un et l’autre se confondent. J’ai vu un laboureur derrière ses chevaux ; devant lui, la glèbe se retournait aux rayons du matin et semblait se revêtir d’or. La récolte n’est qu’un revenu tiré de cette opulence.


Ernst Jünger, La cabane dans la vigne (Journaux de guerre II 1939-1948), 30 mars 1948

Vous pouvez lire aussi :
http://anevert.blogspot.fr/p/michel-harmelle-soldat-oublie-de-1940.html
et :
http://anevert.blogspot.fr/p/gabrielle-la-jardiniere-de-boheries.html

jeudi 28 mars 2013

John Kerry, secrétaire d'Etat des Etats-Unis aux affaires étangères déjeune Chez l'Ami Louis, seul restaurant parisien chauffé au poêle Godin (l'âne vert s'essaie à faire paparazzi)

Ce jour (27 mars 2003) l'Ane Vert sort de chez son amie Gabrielle où il est en vacances, rue du Vertbois à Paris. Petit attroupement policier devant "Chez l'Ami Louis", seul restaurant parisien chauffé par un poêle Godin, et une voiture de l'Ambassade des Etats-Unis. L'Ami Louis, l'âne sait que c'est la coqueluche des américains à Paris. Clinton et Chirac y déjeunaient il y a peu, Francis-Ford Coppola fréquente l'endroit (Jim Harrison dans son dernier bouquin consacre deux pages truculentes à 'un repas avec Coppola Chez l'Ami Louis). L'âne se souvient qu'il a un petit appareil numérique dans sa poche et se dit "pourquoi pas faire le paparazzi" (il travaille à un grand oeuvre sur l'histoire de cette rue). La maréchaussée ne l'entend pas vraiment de cette oreille, c'est de bonne guerre, elle contrôle que ma béquille n'est pas un lance-roquettes et que mon appareil photo n'est pas une grenade, menaces de saisie du matériel mais ça s'apaise vite; d'évidence je n'ai pas le profil d'un espion de la Corée du Nord. J'essaie d'arguer que je suis un descendant de La Fayette, mais ça ne prend pas, on me fait comprendre que rien ne sera fait pour me faciliter la tâche. Mystère et bouche cousue personne ne veut dire de quelle personnalité il s'agit, je comprendrai plus tard qu'il s'agit de John Kerry, secrétaire d'Etat des Etats-Unis (en France on dirait Ministre des Affaires Etrangères). Clinton ou Coppola ont du le tuyauter, il est francophile, dit-on (et pour cela mal vu par la droite américaine), ce n'est peut-être pas sa première visite Chez l'Ami Louis.

Je mets ce petit reportage sur mon blog car il contient en filigrane une (petite) suggestion pour la Picardie. Si Godin à Guise veut créer un paquet d'emplois en exportant à tout va aux "States", un "show room Godin" (comme ils disent) en face de Chez l'Ami Louis serait une excellente idée, il y a même une boutique libre juste en face et c'est une société d'économie mixte de la ville de Paris qui semble en disposer !
John Kerry chez l'Ami Louis, rue du Vertbois, le dispositif de sécurité se met en place.
John Kerry chez l'Ami Louis, attente, le dispositif se resserre
John Kerry arrive rue du Vertbois à Paris
Nervosité policière, John Kerry est rue du Vertbois devant chez l'Ami Louis
John Kerry sort de sa voiture rue du Vertbois
John Kerry entre Chez l'Ami Louis
Vous n'apercevez que sa chevelure grisonnante dans l'embrasure de la porte, mon appareil photo n'est pas doté d'un dispositif rafale, je ne suis pas un pro comme paparazzi !
John Kerry est à table Chez l'Ami Louis, tout le monde de calme
Ce qui est un peu triste pour tous les petits restaus sympas du quartier c'est que cette armada de gardes du corps et de policiers n'a même pas profité des autres bonnes tables de la rue, ils ont mangé leurs sandwichs dans leurs bagnoles ! Je me suis tiré car j'avais faim.

J'ai connu Antoine Magnin (les gens du quartier disaient "le père Antoine"), le fondateur de ce bistrot-restaurant, dans ses vieux jours (il est mort il y a une vingtaine d'années, Paix à son âme, il était brave homme) . Il était très généreux avec les pauvres du quartier qu'il régalait à l'occasion sans barguigner. Dans ces années là je n'étais pas assez pauvre pour qu'il se soucie de moi, et aujourd'hui trop désargenté (l'addition est "salée", lisez Harrison, si vous voulez vous en faire une idée) pour songer à y déjeuner.

jeudi 14 mars 2013

Un pape écologiste ?

François d'Assise saint patron des écologistes (Sermon de Saint-François aux oiseaux par Giotto)
Ma jeunesse a baigné dans la spiritualité franciscaine et ma vieillesse comporte une part de fidélité à cette histoire. C’est en lisant les Fioretti et le Cantique de Saint-François à Frère Soleil, Sœur Lune et aux Créatures que je me suis d’abord éveillé aux beautés de la création et à la fraternité aux plus pauvres d’entre nous. Sans doute vient de là aussi mon amitié ancienne pour les ânes et particulièrement pour l’ânesse Modestine de Robert-Louis Stevenson. François d’Assise a été canonisé par une Eglise qui avait beaucoup à se faire pardonner en un temps où la frontière était ténue entre la canonisation et le bûcher (ceux qui ont lu « le Roman de la Rose » d’Umberto Ecco comprendront). C’est aussi une Eglise qui a beaucoup à se faire pardonner (mais quelle institution humaine n’a pas à se faire pardonner ?) qui a érigé François d’Assise, plus récemment (une trentaine d’années) en saint patron de ceux et celles qui se préoccupent d’écologie.

Il a aura fallu près de huit siècle pour qu’un pape porte ce nom,  c’est pour moi, ce soir, un formidable signe d’espoir. J’avais relu ces temps derniers le droit canon pour voir qui était éligible et j’y avais appris, ce dont aucun média ne vous a tenu informé, que tout prêtre catholique ou simple moine était éligible. Et de fait, au moyen âge, les papes qui n’étaient pas cardinaux mais des hommes sages ou savants ou simples moines ne furent pas si rares en un temps où la foi chrétienne était plus largement partagée. J’ai failli vous en entretenir tant l’ensemble des médias semblait ignorer complètement cette donnée, mais la rapidité du conclave ne m’en a pas laissé le temps. Alors cette élection, (dans un scrutin qui n’est pas si éloigné des règles de nos sénatoriales) d’un pape si éloigné dans ses choix de vie, des pompes et palais dorés de le curie romaine (notre République ne fait guère mieux), quelle joie !

Vous me direz : et les femmes ? C’est une vraie question. Les textes fondateurs des grandes religions monothéistes ont été écrits dans des temps ou dominaient une culture, une politique, un droit public, patriarcaux. Elles peinent (même le bouddhisme n’y échappe guère) à se dégager d’une lecture littérale  et les forces les plus obscurantistes et conservatrices y travaillent sans relâche (pas seulement dans le monde musulman comme on le dit trop souvent). Mais l’espoir luit, dans toute ces cultures, que les conservatismes finissent par céder le pas à une lecture des écritures sur des fondamentaux moins racrapotée et plus fraternelle. Déjà une partie des églises luthérienne élisent des prêtres et évêques femmes et même homosexuel (le)s. Beaucoup de femmes d’origine musulmane et dans les églises chrétiennes sont en lutte pour de nouveaux droits. Au moins peut-on espérer qu’on ne verra pas ce nouveau Pape tenir la main de Frigide Barjot dans les rues de Paris et que le message évangélique n’est pas, chez lui, soluble dans l’eau de rose.

Une chose me réjouit aussi c’est qu’il vienne d’Argentine. J’ai vécu en Amérique du Sud dans les années soixante dix, j’y ai côtoyé des sœurs et des prêtres catholiques d’origine française engagés dans les luttes pour la défense des plus pauvres, je sais le prix de sang très élevé que beaucoup (et tant d'autres) ont payé (et dont il n’est presque pas de mémoire collective) au temps des dictatures les plus féroces. Les choix de vie du cardinal argentin Jorge Mario Bergoglio font douter qu’il ait pu être de ceux (pas si rares dans l’épiscopat sud-américain) qui ne barguignèrent pas à bénir les bourreaux des « grands cimetières sous la lune ».

Un de mes livres de chevet est le « sermon de Saint-Antoine aux poissons » d’Antonio Vieira. C’est un texte fondateur de l’écologie politique dans une langue magnifique (Fernando Pessoa dit, et c’est mérité, qu’il est un des plus grands prosateurs de la langue portugaise). Antonio Vieira est un père jésuite (comme le nouveau pape) du XVII ème qui n’échappa au lynchage par ses paroissiens (colons portugais du Brésil), après un de ses sermons, qu’en s’embarquant promptement pour l’Europe. Au Portugal et en Espagne il échappa de justesse aux foudres de l’inquisition grâce à l’intervention d’un pape lettré qui en fit un des diplomates les plus remarquables de son temps. Une œuvre que je ne saurais trop vous recommander et que le nouveau pape a sans doute lue. Le cas d’Antonio Vieira n’est pas une rareté dans l’Amérique latine de cette période et ceux qui en connaissent l’histoire savent  combien nombre de jésuites et de franciscains œuvrèrent à protéger ou émanciper les communautés indiennes de la rapacité du monde colonial. Le monde musical redécouvre par exemple actuellement les partitions baroques de compositeurs indiens oubliés de Bolivie et du Paraguay qui donnent à voir que le paternalisme n’était pas le seul ressort de ces entreprises.

Cela va faire hurler beaucoup d’entre vous, tant la légende noire des jésuites est forte dans notre pays (et ça ne date pas de la République, nos rois imbus de leurs privilèges gallicans ne barguignèrent pas à les stigmatiser comme dangereux internationalistes), mais je me réjouis aussi que le nouveau pape soit un jésuite.

N’étant pas né avec une petite cuillère en argent dans la bouche je n’ai pas été éduqué par les pères jésuites comme quelques uns de mes amis. Cela me laisse peut-être une plus grande disponibilité pour lire leurs travaux savants ou spirituels. J’ai une grande curiosité actuellement pour les travaux scientifiques si remarquables des jésuites en Chine aux XVIIème et XVIII ème (finalement condamnés par Rome mais réhabilités aujourd’hui).

Comme des récits de voyages des pères franciscains, moins connus que Marco Polo, qui dès le XIII ème siècle voyagèrent en Chine et reprirent langue, au temps de Gengis Khan,  avec les civilisations d’Asie centrale et orientale et le christianisme nestorien qui y était présent sans doute depuis les premiers siècles du christianisme.

L’histoire de la route de la soie est passionnante parce qu’elle détruit l’idée de l’étanchéité  des civilisations et du caractère inexorable de la guerre entre elles.
Longue vie donc à ce pape qui a traversé les océans pour devenir évêque de Rome.

Je vous conterai un jour prochain l’histoire de l’origine de la pomme, elle aussi beaucoup voyagé sur cette route de la soie et il n’est pas impossible que sur cette route puisse s’apercevoir des leçons pour une gestion de nos vergers moins chimique et plus verte.

Si vous ne l'avez pas encore lu allez aussi voir le petit film et le texte que j'ai consacré à un autre jésuite, le Père René Courtois, créateur du jardin des simples de l'Abbaye de Vauclair dans l'Aisne en cliquant ici

samedi 9 mars 2013

Disparition ou retour des dinosaures ? Le jeu des 7 erreurs

Le retour des dinosaures ?

Le thème récurrent de la disparition des dinosaures m’horripile depuis que je les entends chanter  ou caqueter au cours de mes promenades quotidiennes. Béotien que j’étais (comme beaucoup d’entre vous sans doute) j’ai longtemps cru à cette fable de leur disparition. Jusqu’au jour où, au Muséum d’Histoire Naturelle, je suis tombé en arrêt devant le grand arbre généalogique de l’évolution du vivant. Ce fut mon chemin de Damas. Pour s’en tenir aux vertébrés, la science la plus affranchie de préjugés et d’erreurs grossières m’apprenait que tous les oiseaux ou volatiles qui peuplent nos forêts, nos prairies, nos jardins, nos poulaillers (nos cuisines ou nos balcons pour ceux qui hébergent une poule qui recycle leurs menus déchets ménagers en œufs succulents)… sont des dinosauriens ! Attention, pas des cousins lointains, ils font vraiment partie de la famille et ils ont survécu à leurs très proches (dans la chaîne de l’évolution) cousins, les grands dinosaures, qui eux ont disparu au cours de cataclysmes de sinistre mémoire.

A l’heure bleue, le couple de ces oisillons qui partage mes jours et mes nuits (voir la photo ci-dessus) m’a éveillé ce matin d’un concert inhabituel (ils ont souvent égard au fait que je lis ou écris fort tard) et fort péremptoire. Ils  avaient ouï dire qu’une chaine humaine devait se déployer dans les rues de nos villes et villages aujourd’hui pour signifier à ceux qui nous gouvernent que sortir progressivement du nucléaire était bien désirable si nous ne voulions voir se répéter le genre de catastrophe, je les cite « qui a abouti à la disparition de nos lointains cousins » 


Nous savons me dirent-ils que ton état actuel de santé (quelques soucis du côté de mes sabots) ne te permettra pas de rejoindre ces joyeux cortèges. Nous avons donc décidé de t’y représenter si tu y consens . Comment ne pas y consentir ? Les fenêtres étaient d’ailleurs grandes ouvertes.


Donc il n’est pas impossible que vous les ayez côtoyés au cours de vos pérégrinations de ce jour. Ils défilent généralement sous la banderole du « Front de Libération des Dinosauriens - Canal historique ». La Police, toujours pleine de malice, sera sans doute très inquiète de ce nouveau front (voyez le bas de la photo). Ce sera bien à tort, je l’espère, car je sais que mes petit-e-s amis sont généralement pacifiques, particulièrement sur des pavés où l’ombilic est rare !


Dernière minute :


De retour mes oisillons me disent que j’aurais été aperçu furtivement au cours des rassemblements de ce jour. Je vous livre les preuves (ci-dessous) qu’ils produisent et qui s’apparentent pour moi à un jeu des 7 erreurs.
Je vous laisse vous en esbaudir (et particulièrement vous frères baudets aux longues oreilles). Je trouve que j’ai bon dos (mais pas bon pied bon œil) dans cette affaire bien troublante.

L'âne vert : jeu des 7 erreurs
Addendum : pour les amis proches qui aiment modestine, l'ânesse aux longues et douces oreilles soyeuses, un petit hommage est caché dans ce blog, cliquez le lien tout en bas de la colonne de droite
du blog "Gabrielle...etc"

mercredi 27 février 2013

Elections italiennes : projections des résultats dans l’hypothèse d’un deuxième tour à la française.

A propos des élections italiennes de ce week-end une partie des commentateurs politiques soulignent la responsabilité du système électoral concocté par Berlusconi et qui prive les citoyens italiens d’un deuxième tour où, selon l’adage familier des électeurs français, « au deuxième tour on élimine après avoir dit son choix au premier tour » et dont le résultat aux sénatoriales semble vouer l’Italie à l’ingouvernabilité.

Ce système à un seul tour électoral (avec prime au premier arrivé pour les législatives et proportionnelle régionale pour les sénatoriales) interdit aux force politiques de construire des alliances de deuxième tour (donc de dire avec qui ils souhaitent gouverner s’ils ne sont pas seuls majoritaires), il prive aussi les citoyens italiens de dire qu’elle genre d’alliance et de gouvernement ils souhaitent en éliminant ceux qu’ils ne souhaitent pas voir gouverner.

Personne dans la presse que je lis ne s’est risqué à une extrapolation des résultats des élections italiennes selon un système électoral à deux tours, avec possibilité de panachage, c’est ce que j’ai tenté en exploitant les résultats par régions. Je l’ai fait par régions car je ne dispose pas de base de donnée par province ( grosso modo l’équivalent de nos départements). Cette projection est réalisée sur la base des élections législatives car l’exotisme de notre système censitaire d’élections sénatoriales (sans doute unique au monde dans le cadre des démocraties contemporaines) est intransposable.

La carte suivante met en évidence les tendances probables d’un scrutin d’un deuxième tour à la française :



Note : les calculs ont été établis sur la base des résultats par régions publiés par La Stampa
Rappel du 1er tour :
Le résultat est assez surprenant et montre qu’on ne parlerait sans doute pas dans cette hypothès d’ingouvernabilité de l’Italie.
L’alliance Monti-Gauche (qui se dit centre gauche) serait largement majoritaire (majorité relative) dans les régions italiennes à l’exception de la Sicile où le Mouvement cinq  étoiles l’emporterait au deuxième tour, à l’exception aussi du Val d’Aoste où la droite berlusconienne emporterait le deuxième tour. Une seule région est indécise : La Campanie (région de Naples) où le deuxième tour pourrait être indécis.

Les hypothèses sur lesquelles je me suis appuyé sont les suivantes :

1 – deuxième tour avec possibilité de panachage en considérant que l’alliance de deuxième tour la plus probable (c’est l’alliance de gouvernement qu’annonçaient la plupart des commentateurs et qui est rendue impossible par le résultat des sénatoriales) était une alliance entre le centre gauche et le centre de Mario Monti. Les autres forces en présences n’avaient que des possiblités d’alliance marginales.

2 – triangulaires généralisées : au vu des résultats, avec un seuil à la française, dans toutes les régions ne restaient en lice que le centre-gauche, le mouvement cin étoiles (Beppe Grillo), et l’alliance des droites berlusconiennes. Une hypothèse supplémentaire est que les électeurs des autres formations (régionalistes, extrême droite, extrême gauche, écologiste, divers) se reporterait sur les trois listes restées en lice et que le report de voix serait bons chez les électeurs des formations restées en lice.

3 – les circonscriptions uninominales à la françaises étant intransposables, j’ai considéré, par simplification chaque région comme une circonscription électorale où la liste arrivée en tête a une prime majoritaire (un peu comme dans nos élections régionales).

Bien entendu ces hypothèses sont discutables en particulier parcequ’une transposition exacte est impossible. Elles indiquent cependant une tendance qui aurait pu être celle d’un deuxième tour si le système électoral italien avait permis à ses citoyens de participer à un deuxième tour et contraint les forces politiques d’énoncer clairement leurs préférences d’alliances de gouvernement.

Je fais aussi ici l’impasse sur la signification de l’ampleur du vote populiste en Italie, ce n’est pas mon sujet : l’ampleur des politiques d’austérité impulsées par les droites européennes qui ouvre sans doute partout dans nos démocraties européennes le temps des boucs émissaires.
J’ajoute que j’ai tenté ce petit exercice parce que j’aime l’Italie et que la responsabilité de son système électoral dans la crise actuelle ne me semble pas avoir été suffisamment développée et illustrée par les commentaires que j’ai pu lire ces jours derniers.


J'ajoute que je n'entends pas faire ici la démonstration de la valeur universelle de notre système électoral. Il a lui aussi ses défauts. Le mode d'élection de nos sénateurs fait penser davantage aux valeurs de la France de Louis-Philippe qu'à celles d'une démocratie moderne. Le système par circonscriptions uninominales à deux tours de nos législatives produit des notables territoriaux attachés au cumul des mandats en lieu et place de législateurs à plein temps. Nos élections régionales à la proportionnelle, sans primaires, font une place sans doute trop grande à la définition par les seuls partis des citoyens éligibles.. etc.

lundi 25 février 2013

Berlusconi consulte une voyante


Berlusconi consulte une voyante :

La voyante très concentrée ferme les yeux et lui dit :
- Je vous vois passer dans une grande avenue, dans une voiture, le toit  ouvert, le peuple hurlant sa joie. Berlusconi sourit et lui demande :
 - Alors la foule est heureuse ?
 - Oui comme jamais.
 - Et les personnes qui courent après la voiture ?
 - Oui, autour de la voiture comme des fous. La police a du mal à se  frayer un chemin.
 - Les gens porteurs de drapeaux ?
 - Oui, des drapeaux de l'Union européenne, des bannières avec des mots d'espoir et d'un avenir meilleur.
 - Vraiment ? Et les gens crient, chantent ?
 - Oui les gens crient des phrases d'espoir : "Oh ! Maintenant, tout ira  mieux !!!", le peuple est en liesse.
 - Et moi, comment je réagis à tout cela ?
 - Je n'arrive pas à le voir.
 - Ah bon ! Pourquoi ?
 - Le cercueil est fermé


NB : Quand ce texte a été rédigé les premières projections de sortie des urnes en Italie étaient plus optimistes que le résultat final, la boule de cristal n'a pas menti, mais c'est devenu de la science fiction !
 
La voyante a aussi été entendue à l'Opéra de Rome où se jouait le Nabucco de Verdi :



jeudi 21 février 2013

Bernard Arnault de Polytechnique à la Légion étrangère, en passant par la Belgique et la Thiérache

Bernard Arnault, LVMH, en route pour la Belgique, a accepté de poser avec le bicorne de Polytechnique pour le petit reporter de l'Ane Vert
 
Interview exclusive de Bernard Arnault par le petit reporter de l’Ane Vert à l’occasion de la visite de B.A. en Thiérache (LVMH Fragrance Brands à Vervins) le 20 janvier 2013.
 
LPR : Bernard Arnault, je voudrais tout d’abord vous remercier d’avoir accepté de porter le bicorne de l’Ecole Polytechnique pour notre photographe. Les images de vous à cette époque de votre passage à Polytechnique sont difficiles à trouver, est-ce une histoire difficile à porter pour quelqu’un qui est aujourd’hui le patron et le propriétaire d’un des plus grands groupes mondiaux de l’industrie du luxe ?


BA : Pas du tout, le temps où Polytechnique formait exclusivement des officiers supérieurs de l’Artillerie ou du Génie, des cadres pour l’industrie lourde, est passé. Ne boudons pas notre plaisir, nous vivons dans un monde largement pacifié où la légèreté n’est plus honteuse. Et puis j’ai frayé des voies nouvelles et je me réjouis de voir que Polytechnique forme aujourd’hui la fine fleur des cadres de haut niveau de l’industrie financière mondiale. Leurs innovations sur les modèles mathématiques de gestion des produits dérivés et l’optimisation fiscale bouleversent notre monde avec une efficacité que pourrait leur envier l’artillerie de feu la Grande Armée. Excusez moi pour cette litote quelque peu anachronique, elle me semble cependant aussi éclairante que le soleil d’Austerlitz.
Pour ce qui est de la propriété de LVMH, même si j’y pèse d’un bon poids, je voudrais vous faire remarquer que je ne suis que co-propriétaire ; j’ai des actionnaires extérieurs et mes enfants, par ailleurs, seront de plus en plus associés à la direction de l’entreprise.

 
LPR : Justement, à propos d’optimisation fiscale, le bruit à couru ici qu’à la suite de votre installation en Belgique il n’était pas impossible que l’usine de Vervins déménage dans la Thiérache belge et plus  précisément à Chimay, que pouvez vous dire à ce sujet à nos lecteurs thiérachiens ?


BA : Je dois dire que ça serait tentant, pour notre image de luxe, si Chimay était encore une principauté indépendante. Ce n’est plus vraiment le cas. Sauf découverte de gisements importants de gaz de schistes dans les parcs de leurs châteaux, les princes de Chimay ne sont plus que des princes d’opérette, pas mal de noblesse d’empire dans leur descendance, ce n’est pas très porteur en terme d’image. Donc nous n’avons pas de projets de ce genre dans nos cartons.  Mes enfants en jugeront peut-être différemment dans un avenir lointain, nul ne peut présumer des hasards des alliances dynastiques à venir, notamment si la Belgique finit par retourner à ses anciennes principautés, ce qui n’est pas tout à fait improbable. Les réflexions de mon confrère Arnaud Lagardère sur ce terrain me paraissent plus audacieuses que celles mes enfants, tout cela est à voir.

 
LPR :  Pour en rester aux mouvements qui s’observent depuis quelques mois sur la frontière belge, quelle réflexion vous inspire l’actualité de ce légionnaire d’origine belge qui vient de perdre la vie – donner sa vie serait plus exact - dans les combats du Nord-Mali et qui n’avait pas, lui, « fait Polytechnique » ni été biberonné aux valeurs et honneurs de la République ?
 

BA : (après un long silence)
« Comprenne qui voudra
Moi mon remords ce fut
Le malheureux qui resta
Sur le pavé
La victime raisonnable
Au gilet déchiré
Au regard d'enfant perdu
Découronné défiguré
Celui qui ressemble aux morts
Qui sont morts pour être aimés »
Votre question m’interpelle et me trouble au delà de ce que vous pouvez imaginer. Ne riez pas, je paraphrase ici une citation d’Eluard que le Président Pompidou osa dans ma jeunesse.
Quant aux flux de personnes qui s’observent sur la frontière belge votre question est bien pertinente. Les médias parlent trop des exilés fiscaux et pas assez de ces dizaines de milliers de belges qui viennent irriguer de leurs talents et de leur courage le pays de ma jeunesse. Cet oubli a une longue histoire, celle de nos flagorneries identitaires. Qui se souvient que Jules César écrivit que « de tous les peuples de la Gaule, les belges sont les plus braves » ? Qui se souvient que les grandes eaux de Versailles n’auraient jamais existé sans le talent des sidérurgistes liégeois qui construisirent la Machine de Marly ? Qui se souvient que le musicien le plus applaudi à Paris lors de la période révolutionnaire et de l’Empire fut le liégeois Grétry ?  Qui se souvient que les belges volontaires furent si nombreux dans les armées de la Révolution et de l’Empire ? Qui se souvient de Théroigne de Méricourt ? Et nos érudits savent-ils qu’ils ont ânonné leur grammaire française dans le grand ouvrage de Maurice Grévisse, natif du borinage ?
A l’inverse, après la révocation de l’Edit de Nantes les protestants français, des gens souvent bien éduqués et entreprenants, sont allés trouver refuge aux Pays-Bas et jusqu’en Prusse. Bruxelles fut aussi souvent le refuge des éxilés de toutes nos contre-révolutions. Les mouvements ont toujours existé dans les deux sens.


LPR : La différence avec le présent c’est peut-être que, pour les protestants, il s’agissait d’un exil forcé. Vous ne dites rien des contemporains ?

BA : Ils sont trop nombreux à investir leurs talents dans nos campagnes, nos industries, nos beaux arts, je craindrais d’en oublier beaucoup. Il faudrait aussi parler de tous les peuples nos voisins et de tous les outre-mers dont les concours ont été si importants tout au long de notre histoire, parler aussi en sens inverse de tous nos aventuriers et découvreurs au long-cours, c’est une trop longue histoire pour votre petit journal.

 
LPR : Un journaliste belge a récemment réalisé un long reportage sur les exilés fiscaux Outre-Quiévrain en notant que beaucoup se plaignent, pour leurs enfants ou petits enfants restés en France, de la mauvaise qualité de son système éducatif et de santé. Comme cela date un peu il a négligé de leur demander ce qu’ils pensaient du niveau de nos forces armées, n’y a-t-il pas là une forme d’inconséquence ?

BA : Je ne comprends pas votre question, voulez vous dire que seul celui qui paie est en droit de se plaindre ? Cela ferait beaucoup de silence dans les rangs car les pauvres qui  contribuent peu ne manquent pas et pèsent d’un poids électoral bien plus considérable que nos maigres bataillons de résistants fiscaux. Par ailleurs la Belgique autorise la double nationalité, les citoyens français de l’étranger seraient des citoyens de seconde zone privés de la liberté de leurs opinions ? Nos enfants devront-ils, comme ce malheureux sous-officier d’origine belge, s’engager dans la Légion étrangère pour recouvrer une citoyenneté de plein exercice ?
LPR : Ça ne semble pas d’actualité, même le Directoire et l’Empire n’en ont pas demandé tant aux enfants de la noblesse émigrée à leur retour, et ce en des temps autrement troublés où les périls étaient bien plus tranchants,. Mais n’apercevez vous pas que réduire ce soldat à un « malheureux » est faire peu de cas et de respect à son engagement ?

BA : Je vous l’accorde, c’était une facilité de langage, un lapsus peu digne d’une tête qui a porté bicorne. Je vais vous dire le fonds de ma pensée sur la chose militaire. Il me semble que nous ferions un bond en avant gigantesque vers un monde pacifié si toutes les armées du monde n’étaient autorisées à recruter que des hommes et des femmes ayant dépassé la soixantaine. Si les Nations Unies décrètent cela demain à l’unanimité par traité inviolable je vous jure que je m’engage illico dans la Légion étrangère.

LPR : Demanderez vous alors à être intégré dans le grade qui était le vôtre quand vous êtes sorti de Polytechnique ?

BA : C’est à réfléchir, je n’ai pas tout à fait perdu la main mais repartir à zéro pourrait me rajeunir. Ce n’est d’ailleurs sans doute pas la seule difficulté. Il y aura sans doute des contrevenants à cette loi internationale et il faudra peut-être une force de police internationale plus jeune dans son recrutement pour faire face à cette occurrence.

 
LPR : N’est-ce pas contradictoire ?

BA : Pas du tout, regardez les rues de Paris ou de Bruxelles : qui a le droit d’emprunter les sens interdits ? La police, les pompiers et les ambulances.

LPR : Et l’industrie du luxe ?

BA : C’est hors sujet !


                                                                         Fin de l'interview

Ppc : l’âne vert - mes lecteurs auront compris qu'il s'agit d'une fiction

mercredi 1 août 2012

Lettre de Mongolie : in memory Chris Marker

Ce matin, écoutant les nouvelles à la radio et lisant le quotidien dont le fond de l’aire est rouge (il a rosi mais pas son logo), je caresse un chat sur la grande jetée du port de Valparaiso. J’y ai vécu et le commentaire du film de Joris Ivens, écrit par celui dont parlent les journaux aujourd’hui, n’y était pas pour rien. Valparaiso, ville où l’on montait en ascenseur vers les collines où s’affrontaient, par jeu de grand vent, les enfants à « volantines », je ne savais pas encore qu’elle deviendrait pour des décennies, une ville  sans soleil. Un officier de marine proche de l’unité populaire nous avait procuré l’autorisation de visiter l’Esmeralda, voilier magnifique et navire école de la marine de guerre chilienne. Le comité d’accueil y fut rude (genre « barbudos Cuba no ! ») et nous ne dûmes qu’à une retraite précipitée le sauvetage de notre petit matériel photographique et pellicules. Nous devions comprendre peu après que les fonds de calles de l’Esmeralda avaient été transformés en bagne pour les militants du MIR soupçonnés de vouloir « infiltrer » l’armée chilienne, les témoins n’étaient pas les bienvenus. Au cœur du bel été chilien une partie de l’armée, déjà, préparait ce qu’elle accomplirait à grande échelle en septembre.

Dans les années d’après guerre il a longtemps écrit dans une revue où j’ai appris à lire, et un peu à philosopher : « Esprit ». On disait qu’il avait été un des créateurs de la collection « Petite Planète » qui, pour ma génération, fut si belle et si novatrice aventure éditoriale. J’y ai lu très jeune son « Giraudoux par lui même » dont il sut me faire aimer l’élégance de style. J’ai revu récemment au « forum des images », le « Joli mai », le portrait sans doute le plus perspicace du Paris de notre après guerre (celle d’Algérie). Je ne savais pas encore qu’il serait à nos côtés dans un autre mai à venir. Lui, déjà, l’espérait.

Quand des revers de fortune m’ont conduit, il y a quelques années à vendre ma bibliothèque de cinéphile, beaucoup de ce qui me venait de lui est parti pour le Japon. J’ai correspondu un temps avec ces acheteurs du bout du monde, j’ai compris qu’il y était aimé. Un bar à Tokyo a pour nom « La jetée ». Je suis émerveillé de savoir que « la Jetée » est un film culte pour la jeunesse du monde, comme il l’a été pour ma génération, parce qu’il a inspiré des créateurs de leur âge. Chris Marker a semé tant de petits cailloux dans tant de domaines de l’exploration du réel, de l’imaginaire, de la création, et dans des formes si diverses, qu’il m’est impossible de croire à sa mort annoncée.

Il était un homme pont, d’une générosité folle, compagnon de bon nombre de ceux dont l’œuvre a germé dans l’effervescence des mouvements de culture populaire au sortir de la résistance (Resnais, Ivens, Varda, Ruspoli, Matta, Rouch, Gatti, William Klein…). Peu (très peu) d’images de lui. Comme Julien Gracq, il se gardait du bruit des médias officiels. Ceux qui ont vu sur Arte « Varda par ci, Varda par là » se souviendront peut-être d’avoir aperçu l’ « ouvroir » dont il se disait l’artisan.

Les journaux racontent aujourd’hui qu’il est né à Neuilly-sur-Seine. N’en croyez rien, il est né à Oulan-Bator et j’espère vous écrire un jour une lettre de Mongolie pour vous donner des ses nouvelles.

Pour en savoir plus :

http://www.arte.tv/fr/Hommage-a-Chris-Marker/6845086.html

Pour regarder "La jetée" et "A Valparaiso" sur Vimeo :


http://www.vimeo.com/5690624


http://www.dailymotion.com/video/xz5cs_la-jetee-1962_creation





mercredi 18 avril 2012

Thiérache : vers un bocage peau de chagrin ?

Que faire face à ce constat ? L'âne vert s'associe bien volontiers et co-signe la tribune libre qui suit
Vers un bocage peau de chagrin ?


Le bocage et ses haies vives qui est le paysage que nous aimons, façonné au fil des siècles par des générations d’herbagers producteurs de la merveille de Maroilles, le bocage thiérachien se réduit à vitesse accélérée, chacun le constate, et les chiffres des recensements de l’agriculture le confirment.
En dix ans la Thiérache a perdu près de 300 exploitations agricoles, pour l’essentiel des producteurs de lait. En vingt ans les surfaces de prairies herbagères ont reculé de plus de 53% dans l’Aisne, pendant que le nombre d’exploitations laitières chutait de 68% et que le cheptel de vaches laitières, malgré l’augmentation de la taille des troupeaux, reculait de 36%. C’est en Thiérache dont ce fut longtemps la spécialisation identitaire que ces reculs se sont faits pour l’essentiel.

A l’origine de ces bouleversements :
- très souvent le découragement des producteurs de lait dont la production n’est pas rémunérée à la hauteur du travail sans temps morts qu’elle exige
- la pression sur le foncier des filières agricoles plus rémunératrices sur le court terme, l’abandon des régulations de marché qui assuraient des prix planchers aux producteurs et rendaient possibles, en maîtrisant le foncier, des ambitions d’aménagement du territoire et de valorisation de nos paysages.
- l’insuffisance des aides publiques à développer, autour du lait et de l’industrie des produits laitiers, des labels de qualité et de terroir, des filières à haute valeur ajoutée, des circuits courts
- l’insuffisance encore de la reconnaissance publique de la contribution des herbagers, quand ils ne font pas de l’élevage en batterie, à la préservation de la biodiversité, à la protection des sols, au ralentissement du ruissellement des eaux dans les périodes de crue, à la préservation des zones humides, au développement de la filière bois pour le chauffage et la reconstitution des sols.

Si ces tendances lourdes se prolongent encore une ou deux décennies on peut craindre pour demain un bocage qui se réduirait aux vallées de nos rivières, à une étroite lisière des forêts du Nouvion et de Saint-Michel ; et une filière bois, dans le nord de l’Aisne, définitivement sinistrée. Bien entendu les subventions qui encouragent la plantation de haies sur le territoire sont un palliatif partiel, mais il ne sera jamais à la hauteur des dizaines d’hectares de prairie humides et de haies bocagères livrées aux labours chaque année depuis des décennies.

Pour relever tous ces défis, la vie politique de nos pays a besoin d’hommes et de femmes pour qui l’écologie ne soit pas une matière à option, claironnée le temps d’une campagne électorale, et vite rangée au rang des accessoires.
C’est pourquoi nous soutenons la candidature d’Eva Joly dont l’engagement, aux côtés de José Bové, est totale :
- pour une agriculture paysanne de qualité respectueuse de la biodiversité et protectrice des ressources si nécessaires à la vie que sont l’eau, les forêts, les zones humides, les zones de bocage, les insectes pollinisateurs
- pour des circuits courts à valeur ajoutée entre producteurs et consommateurs, pour l’approvisionnement en bio des cantines scolaires
- pour la promotion de labels de qualité et d’origine contrôlée assortis de cahier des charges transparents, pour une alimentation saine et une vigilance sans relâche sur les lobbys des grands groupes chimiques et semenciers (OGM, brevetage du vivant) dont les profits se font trop souvent au détriment de la santé publique.
- pour des pratiques d’élevage respectant l’animal et le consommateur et une reconversion progressive au bio des techniques culturales.
-pour une régulation internationale des prix agricoles garantissant une juste rémunération aux producteurs, pour une régulation du foncier agricole et une aide aux initiatives associatives favorisant l’installation de jeunes agriculteurs
- pour une équité et une solidarité territoriale garantes d’un accès aux services publics et de proximité dans les zones rurales délaissées.

Liste des 24 signataires, merci à eux :
 

Aurélien Wéry, des jeunes écologistes
Bertrand JEANDEL, EELV
Brigitte FOURNIE-TURQUIN, conseillère municipale à Laon
Christian SYLVESTRE. candidat Europe Ecologie les Verts dans la 3ème circonscription de l’Aisne
Claire JULLION, ardennaise bocagère
Claude HARMELLE, sociologue
Evangelia RALLI, Ribemont
François BRAILLON, paysan retraité
François TURQUIN,
François VATIN
François VEILLERETTE. conseiller régional Picardie
Gabrielle ELIAS, jardinière de Bohéries
Gérard BALITOUT, conseiller municipal délégué, Hirson
Jacques MAHIEUX, musicien rural
Jean-Jacques FIN, maraîcher bio à Laon
Jean-Marc KUPECKI, retraité
Jean-Paul MEURET, historien de la Thiérache, diplômé de l’EHESS
José MEURICE, maire adjoint de Watigny
Marie-Claude MALLEVERGNE
Marie-Françoise VERHOOG, chargée d’études en environnement
Marie-Reine DUFRETEL
Michèle CAHU, conseillère régionale Picardie
Nora AHMED-ALI, conseillère municipale à Saint-Quentin, secrétaire du GAL Nord de l’Aisne d’Europe Ecologie les Verts
Roel VERHOOG

dimanche 1 avril 2012

Une nouvelle semence de betteraves OGM va-t-elle révolutionner la filière énergétique en Picardie ? Vers une reconversion de la filière betterave-ethanol d’Origny Sainte-Benoite et la création d’un nouveau centre de stockage des déchets nucléaires à Marly-Gomont ?

C'est le "Poisson d'Avril" auquel vous avez échappé cette semaine. J'avais écrit ce texte avec l'idée, facétieuse, de créer un buzzz (enfin une rumeur) dans le genre "poisson d'avril" sur le internet cette semaine via un blog "ad-hoc". Des esprits sages m'ont convaincu que mélanger la fiction et le réel sur des sujets à certains égards si angoissants pour mes contemporains, sujets qui méritent des réflexions et des actions bien réfléchies, n'était peut-être pas très pertinent, particulièrement dans le contexte présent. Rire de nos misères reste cependant toujours d'actualité donc je diffuse ce texte sur mon blog en l'assumant comme une fiction. Ce texte contient cependant des allusions à des problèmes graves, notamment la question des justifications pseudo-écologiques et économiques de la filière de carburants betterave-éthanol. J'y reviendrai de façon plus sérieuse sur ce blog prochainement.

Usine Tereos d'Origny-Sainte-Benoite (Aisne) qui produit à la fois du sucre et de l'éthanol à partir des betteraves sucrières.

Une réunion secrète se serait tenue récemment au Qatar réunissant des investisseurs qataris, des acteurs majeurs de la filière betteravière picarde (groupe Tereos, Crédit-Agricole), un grand groupe semencier international (Monsanto), des industriels de la filière nucléaire européenne (Areva, Siemens) et des groupes actifs dans le traitement et le stockage des déchets industriels (Valor-Aisne et Andra).

Le point de départ est la mise au point jusqu’ici tenue secrète par le groupe Monsanto, d’une nouvelle variété de betteraves sucrières génétiquement modifiée (code xx3145) dont la particularité est son haut pouvoir absorbant de la faible radio-activité ambiante dans les sols de toutes natures. La culture de cette nouvelle semence semble avoir été testée à assez grande échelle dans des pays de l’Union Européenne (Pologne, Roumanie) où la réglementation environnementale est peu contraignante.

La culture à plus grande échelle ouvrirait la perspective d’une reconversion de la distillerie d’Origny Sainte-Benoite (groupe Tereos) en centrale nucléaire douce disposant du label « développement durable ». On savait la filière betteravière inquiète des critiques des scientifiques de l’écologie que la Cour des Comptes vient de relayer récemment en dénonçant un gouffre à subventions aux justifications écologiques en trompe l’œil. Une commission sénatoriale a par ailleurs récemment préconisé une baisse drastique des exonérations de TIPP dont bénéficie cette filière, ruineuses pour les finances publiques. C’est ce contexte qui explique la reconversion en cours par le groupe Tereos de sa distillerie normande de blé-éthanol en usine d’amidon.

Cette filière ouvre la perspective d’une reconversion, véritable bouée de sauvetage pour l’usine d’Origny, de la distillerie d’éthanol en centrale nucléaire d’un type nouveau utilisant comme combustible les éléments faiblement radioactifs concentrés dans les betteraves xx3145 et rendus industriellement utilisables au terme d’un processus de raffinage dont la faisabilité faisait l’objet de la réunion au Quatar. Il s’agit dans un premier temps de réunir les capitaux importants que nécessite la mise au point de ce nouveau process de production. Le groupe AREVA qui est inquiet pour ses approvisionnements en uranium suite à l’insécurité qui prévaut actuellement sur ses principaux sites d’extraction en Afrique sub-saharienne suite aux pressions (enlèvements de personnels) exercées par le groupe Al Quaeda au Maghreb dans cette région, s’est montré intéressé.

Le groupe Monsanto a également fait prévaloir l’intérêt de cette nouvelle semence OGM dans des applications de dépollution des sols consécutifs d’accidents nucléaires de grande ampleur. L’électricien japonais TEPCO, propriétaire des centrales de Fukushima, était d’ailleurs présent, à titre d’observateur, à la réunion de Doha, capitale du Qatar.

Le problème du traitement et du stockage des déchets de cette nouvelle filière semble également avoir été abordé à la réunion de Doha. C’est sans doute ce qui explique la présence à cette réunion de Valor-Aisne et de l’Andra (qui gère les centres de stockage  des déchets nucléaire en France et conduit actuellement des programmes ambitieux de recherche-développement sur des projets de stockage à grande profondeur). Il se murmure auprès des milieux autorisés qu’un projet de centre de stockage d’un type complètement nouveau serait à l’étude à Marly-Gomont (Thiérache) ou sur le site de l’ancienne base militaire de Couvron, près de Laon. On notera que l’Agence de Développement Economique de l’Aisne avait également délégué un observateur dans la capitale du Qatar. La localisation à Couvron semble cependant bien douteuse compte tenu de la proximité de ce site avec la capitale administrative de l’Aisne et compte tenu aussi de la longue série de projets annoncés à grand renfort de fanfares et sitôt avortés qu’a connu ce site. Les géologues consultés penchent plutôt pour le site de Marly-Gomont dont les couches argileuses profondes, assez semblables à celles du site de Bure aux confins de la Meuse et de la Haute-Marne actuellement développé par l’ANDRA, sont bien plus propices à de tels projets.

La proximité de Marly-Gomont avec le champ de courses de La Capelle aurait également été retenue comme un point positif par les investisseurs qataris. Nos lecteurs se souviendront peut-être qu’une délégation venue de Doha a visité l’été dernier ce champ de course. Après le PSG, peut-on s’attendre aussi à un investissement significatif de l’émirat à La Capelle ? Décidemment on ne peut que se réjouir de l’intérêt nouveau des investisseurs internationaux pour l’Aisne et la Thiérache et plus que jamais « Invest it ‘s op ‘Aisne ! ».

Tout projet ambitieux attirant immanquablement dans notre pays son lot habituel de « pisse-froid » et « mauvais coucheurs », cette perspective, sitôt connue, a déchaîné quelques controverses. Marine Le Pen a déclaré qu’elle ne laisserait pas planter un minaret sur La Chapelle* (sic). Plus sérieusement le chanteur Kamini a déclaré la semaine passée qu’il ne laisserait pas transformer la capitale mondiale du Rap rural en poubelle nucléaire et il semble qu’un grand rassemblement européen est en préparation sur le site de Marly-Gomont pour le dimanche 1er avril.
 * son directeur de campagne semble avoir eu des difficultés à lui faire comprendre qu’il s’agissait d’un champ de course sis sur la commune de La Capelle.

Kamini à Marly-Gomont