lundi 25 mai 2009

Affluence record en Thiérache, les belles dames sont de sortie


Dimanche en fin de matinée les habitants notre hameau ont été intrigués par un afflux soudain de belles visiteuses. Des dizaines de milliers de papillons tachetés orange et noir arrivent en vol serré depuis le plein sud et foncent droit sur notre maison. Ils escaladent avec grande vélocité le toit d’ardoise et filent vers le nord dans la prairie de l’étang où ils batifolent un temps autour des consoudes et des chardons, semble-t-il pour y faire quelques provisions de route, avant de repartir plein nord dans un vol rectiligne. Le flux est continu, régulier, rien à voir avec les papillons autochtones qui ordinairement batifolent dans la lumière et les fleurs sauvages abondantes en cette saison, dans un mouvement brownien, sans orientation précise. Cela dure jusqu’à la fin du jour en une longue procession qui de désempare à aucun moment. Ces papillons semblent attirés par les zones les plus ensoleillées et les plus chaudes des prairies. Le fils d'un de nos voisins parle de papillons migrateurs, il suggère de nom de “monarque”. L’idée d’une invasion de sans-papiers papillonnant et défiant les lois de Mr Besson (Ministre de la République en charge de la “chose”), soulève l’incrédulité générale. Personne, dans le hameau, n’avait imaginé de si frêles bestioles abonnées au vol au long cour, on leur supposait une existence brève dans des espaces limités et éphémères. 

Une rapide recherche sur internet dément bientôt ces préjugés : il s’agirait bel et bien d’un papillon migrateur et ce n’est pas le “monarque” qui est un papillon migrateur américano-mexicain mais d’un papillon migrateur nommé “la Belle Dame”, en latin “vanessa cardui” ou “vanesse du chardon” (du nom de la plante dont se nourrit sa chenille). En Rhône-Alpes on signale cette année une migration exceptionnelle, un coup de fil en Belgique nous apprend que la Radio-Télévision-Belge-Francophone signale aussi des passages exceptionnels chez nos voisins du Nord. C’est un papillon qui chaque année migre depuis l’Afrique du Nord (et notamment du Maroc), franchit le détroit de Gibraltar, et fonce par temps ensoleillé (nécessaire à son vol car il a le sang froid) vers le grand nord où il va pondre. C’est un voyage sans retour : les nouveaux nés feront le chemin inverse à l’automne et le cycle recommencera l’année suivante. Deux grand routes sont connues : l’une passe par le Portugal et l’Espagne, c’est sans doute de cette route que viennent nos éphémères visiteurs. Une autre route, plus à l’Est, passe par la Sardaigne, la Corse et la vallée du Rhône. Ces bestioles dont l’envergure ne dépasse pas 6 à 7 centimètres sont capables de parcourir des distances de 3000 à 4000 kilomètres, ce qui est assez stupéfiant. Les compagnies aériennes et les pétroliers ont du souci à se faire ! On les signale, pour la ponte, jusqu’au cercle polaire.

La dernière grande migration remarquée par les entomologistes remonte à 1996. Cette année on signale de partout que la migration est très exceptionnelle et ce dimanche en Thiérache, c’était bien l’évidence. Dans la grande prairie au nord on pouvait voir des dizaines de milliers de ces individus brouter le végétal pour recharger leurs batteries. On se demande ce que fait la police de Monsieur Besson !