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samedi 9 mars 2013

Disparition ou retour des dinosaures ? Le jeu des 7 erreurs

Le retour des dinosaures ?

Le thème récurrent de la disparition des dinosaures m’horripile depuis que je les entends chanter  ou caqueter au cours de mes promenades quotidiennes. Béotien que j’étais (comme beaucoup d’entre vous sans doute) j’ai longtemps cru à cette fable de leur disparition. Jusqu’au jour où, au Muséum d’Histoire Naturelle, je suis tombé en arrêt devant le grand arbre généalogique de l’évolution du vivant. Ce fut mon chemin de Damas. Pour s’en tenir aux vertébrés, la science la plus affranchie de préjugés et d’erreurs grossières m’apprenait que tous les oiseaux ou volatiles qui peuplent nos forêts, nos prairies, nos jardins, nos poulaillers (nos cuisines ou nos balcons pour ceux qui hébergent une poule qui recycle leurs menus déchets ménagers en œufs succulents)… sont des dinosauriens ! Attention, pas des cousins lointains, ils font vraiment partie de la famille et ils ont survécu à leurs très proches (dans la chaîne de l’évolution) cousins, les grands dinosaures, qui eux ont disparu au cours de cataclysmes de sinistre mémoire.

A l’heure bleue, le couple de ces oisillons qui partage mes jours et mes nuits (voir la photo ci-dessus) m’a éveillé ce matin d’un concert inhabituel (ils ont souvent égard au fait que je lis ou écris fort tard) et fort péremptoire. Ils  avaient ouï dire qu’une chaine humaine devait se déployer dans les rues de nos villes et villages aujourd’hui pour signifier à ceux qui nous gouvernent que sortir progressivement du nucléaire était bien désirable si nous ne voulions voir se répéter le genre de catastrophe, je les cite « qui a abouti à la disparition de nos lointains cousins » 


Nous savons me dirent-ils que ton état actuel de santé (quelques soucis du côté de mes sabots) ne te permettra pas de rejoindre ces joyeux cortèges. Nous avons donc décidé de t’y représenter si tu y consens . Comment ne pas y consentir ? Les fenêtres étaient d’ailleurs grandes ouvertes.


Donc il n’est pas impossible que vous les ayez côtoyés au cours de vos pérégrinations de ce jour. Ils défilent généralement sous la banderole du « Front de Libération des Dinosauriens - Canal historique ». La Police, toujours pleine de malice, sera sans doute très inquiète de ce nouveau front (voyez le bas de la photo). Ce sera bien à tort, je l’espère, car je sais que mes petit-e-s amis sont généralement pacifiques, particulièrement sur des pavés où l’ombilic est rare !


Dernière minute :


De retour mes oisillons me disent que j’aurais été aperçu furtivement au cours des rassemblements de ce jour. Je vous livre les preuves (ci-dessous) qu’ils produisent et qui s’apparentent pour moi à un jeu des 7 erreurs.
Je vous laisse vous en esbaudir (et particulièrement vous frères baudets aux longues oreilles). Je trouve que j’ai bon dos (mais pas bon pied bon œil) dans cette affaire bien troublante.

L'âne vert : jeu des 7 erreurs
Addendum : pour les amis proches qui aiment modestine, l'ânesse aux longues et douces oreilles soyeuses, un petit hommage est caché dans ce blog, cliquez le lien tout en bas de la colonne de droite
du blog "Gabrielle...etc"

jeudi 12 janvier 2012

L'Europe, poêle à frire ?

© l'âne vert 2012

Non je n’ai pas dit « dessine toi une carte » en me préparant un petit frichti ce matin-là, début janvier.

Ce qui s’est dessiné au fond de ma poêle, et sur mon poële, m’a fait sourire plus que poiler, ou rire à gorge déplorée.

Cette petite Europe, avec son cœur jaune sur une mer noire, et sans étoiles, c’était comme un rêve éveillé, rien de prémédité.

Pour l’attache de ce cœur, pas d’erreur : entre plateaux à Langres et estuaires mosans, Wallonie, Parisis, roses de Picardie, parages du Nord Ouest, les prairies où je m’esbaudis … et m’égare à siffler les trains, goût des lointains. Une toponymie à l’écoute s’il pleut que je chéris et où l’homme n’est pas en sucre, fut-il candi. Et moins encore la femme qui, en ces pays cy sait tisser et festonner la dentelle des rêves dont les hardes se disent « clicotes ».

L’ai trouvée bien jolie cette petite Europe, en ses clicotes où les bretons jettent des ponts vers ibères et lusitaniens, peuples marins.

Bien facétieuse aussi d’avoir osé amarrer une petite Corse à la côte des basques.

Plutôt « hip – hop », et assez « swing » : voyez ce grand écart d’Italie à Espagnes où elle semble danser-courir-bondir,

S’enfuir ? Ah, ça se pourrait bien, avec ces bruits à l’est où hongre ne rit.

Assez rétrécie, aussi, avec ces Royaumes désunis, l’Irlande fière, l’Hellade notre mère, tous ces naves scandis qui semblent le large avoir pris.

Hamlet sans royaume, fallait le faire, la poêle à frire, pour un cartographe, c’est peut-être un peu trop militaire.

Arrière ! fond d’idées noires ! répudier le genre masculin qui de la poêle au poêle : « Drap mortuaire, grande pièce d’étoffe noire ou blanche dont on couvre le cercueil pendant les cérémonies funèbres. », dit le wiktionnaire.

Pourtant cela peut advenir, la vie est maladie mortelle, et les agences de rotation,  les rêves sombres de la peur, la nostalgie des gabelous et des gros bénéfices du change pour que rien ne change, la paix armée des tranchées mal refermées, y travaillent.

Si cela advenait, me ferais cartographe de toutes les contrebandes car, sur les cartes, les fleuves savent remonter à leurs sources. La « poêle à frire », c’est aussi un outil : pour ceux qui creusent et sculptent des trésors ? Pour les démineurs des lignes de fronts ?

Claude Harmelle - 11 janvier 2012

mercredi 6 avril 2011

La version pour sourds et mal entendants du discours de Nicolas Sarkozy à Nesle le 5 avril 2011. Ou il est question du canal Seine-Nord et du canal de la Sambre à l'Oise


Comme beaucoup d’entre vous, j’imagine, j’incline à la voie d’eau. On la dit avec raison plus écologique et respectueuse de l’environnement que les norias de camions sur l’autoroute du nord et je sais qu’une grande barge, comme il en circule sur la Seine ou les canaux à grand gabarit de la Belgique et des Pays-Bas, peut remplacer des centaines de camions. J’ai donc plutôt une sympathie spontanée pour le projet Seine-Nord qui vise à relier les réseaux à grand gabarit du bassin parisien et du sud de la Picardie(Oise aval, Seine) et ceux de l’Europe du Nord. Dans le même temps je me souviens que l’eau est rare dans la zone de partage des eaux, en Santerre et Vermandois, entre le bassin versant de la Somme et celui de l’Escaut. C’est une difficulté que les ingénieurs, au cours des siècles précédents, ont eu bien du mal à surmonter. Pour le canal de Saint-Quentin d’abord où ils ont du aller chercher l’eau du Noirrieu et de l’Oise à Vadencourt (Aisne), par une rigole souterraine de plusieurs dizaines de kilomètres. Ensuite pour le canal du Nord pour lequel il a fallu détourner une partie de l’eau de la Somme. Je me souviens aussi qu’un canal à grand gabarit, projeté au XIXème siècle entre Bordeaux et Sète (sur le modèle de Suez ou Panama), fut abandonné parce que les ingénieurs finirent par calculer que cette voie d’eau épuiserait la ressource en eau des bassins versants affluents. 

Donc j’aurais aimé que le projet Seine-Nord soit abondé par des études sérieuses et un débat contradictoire et citoyen sur ces questions de la ressource en eau qui impactera surtout la région Picardie alors même que c’est sur ce territoire que les retombées économiques prévisibles seront les plus faibles. Force est de constater que peu d’informations sont disponibles sur ce sujet et qu’un débat serein sur la question ne semble pas vraiment souhaité par les acteurs de ce dossier.

Ensuite il m’a toujours semblé que le financement d’un tel projet devait être proportionné à l’impact économique attendu. La voie d’eau est un mode de transport qui supporte mal les ruptures et transferts de charge, il est donc fort probable que les retombées économiques seront surtout à Dunkerque, Anvers et Rotterdam au Nord (de façon plus douteuse en Rhénanie) et au Sud à Gennevilliers (port de Paris), Conflans-Sainte-Honorine, Rouen et Le Havre. Les retombées en terme d’emploi qu’on nous fait miroiter en Picardie risquent fort de se révéler aussi illusoires que celles du feu de paille que fut le projet de « Port sec » à Couvron près de Laon (port « très sec » puisque n’existait à proximité ni voie d’eau ni voie ferrée électrifiée). La Picardie peut sans doute espérer la création d’une ou deux plateformes intermodales à proximité de ce canal, le transfert sur voie d’eau d’une partie de ses exportations de blé et des produits de ses industries agro-alimentaires vers les grands ports du sud ou du nord ; sans doute aussi le transfert d’une partie des produits de carrières et de sablières (et sans doute leur multiplication) au sud de l’Oise. Quelques dizaines de milliers de containers à destination de la région ou de la Champagne transiteront-ils par ces plateformes ? Ce n’est pas impossible, mais sans doute au prix d’une saturation en gros cubes logistiques (déjà bien avancée) de la basse vallée de l’Oise.

Ce contexte inclinait à espérer que la région Picarde, plutôt que de participer au financement d’une telle infrastructure, serait fondée à réclamer des études d’impact environnementales sérieuses et, si la chose s’avérait faisable, …des compensations économiques importantes. Par exemple une remise à niveau, par l’Etat, des infrastructures en déshérence de l’est de la région (canal de la Sambre à l’Oise fermé depuis plus de cinq ans par défaut d’entretien des ouvrages d’art par VNF, Nationale 2 (l’ancienne Paris-Bruxelles) qui dans certains de ses tronçons n’est même plus au niveau d’une médiocre départementale, ligne ferroviaire Paris-Maubeuge par Saint-Quentin désormais fermée au trafic voyageur au delà de Maubeuge vers la Wallonie, et où les dessertes restantes sont de plus en plus précaires et menacées (la desserte, par exemple du musée Matisse au Cateau).

Le discours du Président de la République hier à Nesle, et les documents produits à cette occasion, mettent en évidence qu’on est à des années lumières de cette perspective ! Loin d’obtenir des compensations la région picarde s’engage sur ce projet à hauteur de 80 millions d’Euros (j’ignore à quoi se sont engagés les départements de la Somme et de l’Oise) pour le bénéfice bien étroit d’un strapontin à une association public-privé (on ne sait pas encore qui sera choisi des groupes Bouygues ou Vinci) où, comme il est d’usage, on peut pronostiquer une privatisation des bénéfices et une régionalisation-étatisation des pertes. D’autant que ces deux opérateurs étant actifs dans le BTP ils vont être « juges et parties » pour l’exécution des travaux et ce serait miracle qu’une telle conjoncture produise une modération des coûts.

Je note enfin que Monsieur Borloo et Madame Kosciusko-Morizet ont totalement négligé de nous donner, hier, des nouvelles du calendrier de travaux résultant des préconisations du rapport Verdeau commandité il y a deux ans par leur ministère et resté sans suite apparente malgré ses conclusions favorables à la réouverture du canal de la Sambre à l’Oise. Le Président Gewerc qui m’avait dit il y 18 mois, alors que je faisais signer avec un certain succès des pétitions pour le canal de l’Oise et de la Sambre, dans un de ses meetings à Saint-Quentin : « j’ai dit dans le bureau du Ministre que  nous ne débloquerions pas d’argent pour Seine-Nord si l’Etat ne faisait pas son devoir pour le canal de la Sambre à l’Oise », semblait avoir oublié cette promesse. A-t-il obtenu des garanties sur ce point avant de faire voter les crédits pour Seine-Nord ? Si c’est non je dois bien convenir qu’il a menti , et si c’est oui, pourquoi n’en parle-t-il pas publiquement ?

Pour conclure je remarque que le Président de la République n’a pas craint hier d’abuser devant son auditoire d’une rhétorique usée jusqu’à la corde: « vous êtes, a-t-il dit en substance, au cœur de l’Europe, au carrefour prometteur d’un formidable rail entre l’Europe du Nord et l’Europe du Sud ». Lecteur attentif, depuis des années, des travaux des géographes-aménageurs j’ai remarqué que c’est un argument qui a été tellement survendu à des milliers de maires et de Présidents de collectivités par les plus rentables des bureaux d’étude (ça ne coûtait pas cher  à produire) qu’il est aujourd’hui assez largement démonétisé et que les élus prêts à payer au prix forts de tels argumentaires se font bien rares. Exception faite des nostalgiques des discours du maire de Champignac et d’Achile Talon. Dans le registre de la BD c’est une rhétorique que, personnellement, je ne boude pas. Mais les politiques avisés savent, comme le disait Bonaparte, qu’on peut tout faire avec une métaphore, sauf s’asseoir dessus ! (Que ne s’en est-il souvenu plus tard !)

Vous pouvez aussi, pour plus d'information, lire ou relire mes textes précédents sur le canal de la Sambre à l'Oise (en cliquant sur "canal" dans le pavé de mots clés à droite en haut de cette page). L'association Canal Set, dont j'ai donné les coordonnées dans un de ces billets, milite activement en Thiérache et dans le bassin de la Sambre, sur ces questions.

jeudi 24 mars 2011

Une bataille duraille en gare de Saint-Quentin : quelques nouvelles du front archéologique et des problèmes du temps présent sur la ligne Sncf Paris-Maubeuge. Un reportage signé Fantasio et Gaston Lagaffe !

Il n’a sans doute pas échappé aux usagers de la gare de Saint-Quentin qu’un vaste chantier archéologique est en cours dans le périmètre des abords (jardins et parkings) de cette gare. Ce chantier est lui-même un préalable au réaménagement des espaces de stationnement dont la configuration actuelle, même si elle n’est pas luxueuse, rend de grands et peu onéreux services aux centaines de citoyens clients du ferroviaire qui, bon an, mal an, y trouvent un stationnement bien commode, particulièrement les années où Madame Chirac se dispense d’y localiser son dispositif de collecte des pièces jaunes. Je parle ici des citoyens qui n’ont pas d’autre choix que d’y venir en voiture car c’est par milliers qu’il faut compter ses usagers quotidiens si l’on inclut ceux qui, proximité aidant, y viennent à pied, ou ont la possibilité de s’y faire déposer par des services privés ou publics, notamment par le réseau de bus de l’agglomération (ne parlons pas des bus départementaux de la RTA dont l’interconnexion avec le ferroviaire est nulle).

Renseignement pris auprès des autorités municipales il ne semble pas qu’une concertation soit prévue avec les usagers forts nombreux de cette gare. Un démenti serait bien entendu le bienvenu mais dans l’attente il ne me semble pas inutile d’éclairer certains aspects de ce dossier.

Et tout d’abord éclairer les autorités sur les inquiétudes que ne manquent pas de susciter l’ouverture de ce chantier. La principale, à écouter mes voisins de voyage, tient bien entendu à l’état de déshérence croissant de la desserte Paris-Maubeuge où la qualité comme la régularité de la desserte est de plus en plus problématique (je reviendrai prochainement sur ce problème dans un autre billet). Le mot « archéologie » accolé à la gare de Saint-Quentin suscite en effet la question de savoir si ce n’est pas l’ensemble de l’espace ferroviaire de cette ligne qui serait désormais voué, par les autorités, à une entrée définitive dans une sorte de seconde vie purement muséographique.

Il est certain que des trains immobilisés, livrés à l’admiration d’un public curieux de touristes et de promeneurs, coûteraient moins cher en frais de maintenance et de personnel que des trains qui roulent mais qu’en penseront les quelques 1300 habitants de l’agglomération de Saint-Quentin qui chaque jour vont travailler en Ile-de-France (tous il est vrai n’y vont pas en train mais ils sont plusieurs centaines à le faire) ? Qu’en penseraient les si nombreux (et en nombre croissant) voyageurs qui empruntent les nouveaux TER si confortables vers Amiens, Reims, Lille, Cambrai.. ?

Ces inquiétudes tiennent pour partie aux précédents que nous avons en mémoire : la ligne Saint-Quentin-Guise abandonnée dans un passé pas si ancien, la ligne Guise-Busigny dont l’infrastructure préservée (bien que non exploitée mais en attente de réaffectations possibles dans l’espace public) a récemment été cédée à des intérêts mercantiles sans débat public, la gare de Jeumont devenue fantôme de ce qu’elle avait été quand Maubeuge est devenu le terme d’un véritable cul-de-sac ferroviaire (envolés les Paris-Bruxelles, Paris-Liège, Paris-Amsterdam, Paris-Berlin, Paris-Copenhague, Paris-Moscou qui circulaient encore à Saint-Quentin quand je suis arrivé en Thiérache il y a dix sept ans). Désormais pour un trajet Saint-Quentin Charleroi ou Mons, la Sncf vous conseille d’aller prendre le Thalys à Paris ou à Lille ! Il est bien paradoxal qu’au moment où l’Europe « s’ouvre » on ferme nos routes ferroviaires pour assurer un rabattement et une rentabilisation quelque peu « forcée » sur le Thalys ! Cela ne fait pas que des heureux, à ce que je sais, à Charleroi, à Namur, à Liège où la qualité de l’offre ferroviaire vers Paris s’est dégradée). 

La faiblesse de la concertation sur cette ligne explique aussi ces inquiétudes. Le « comité de ligne Paris-Saint-Quentin » qui est censé être le lieu de cette concertation ne s’est pas réuni depuis deux ans (si j’en crois les comptes-rendus publiés sur le site du Conseil Régional).  Ensuite l’objet même de ce « comité de ligne » où Maubeuge, Le Cateau et Cambrai sont oubliés fait craindre que le cul-de-sac, à terme rapproché, se referme sur Saint-Quentin et nous coupe définitivement de nos voisins du Nord, comme il a été fait précédemment pour les wallons. Les arrêts du week-en au Cateau, par exemple, si essentiels au public du Musée Matisse comme aux habitants de cette ville, sont menacés à l'horizon de fin 2011. Ces faiblesses de la concertation tiennent aussi, il faut l’avouer, à la faiblesse de la mobilisation des usagers où se comptent plus de râleurs que de personnes prêtes à s’engager dans des associations d’usagers. Notons toutefois que ces associations ne mettent pas un grand zèle à se faire connaître des clients de cette ligne dans le même temps que l’inter-régional, comme le transfrontalier (avec lequel nous avons une proximité culturelle si forte), restent pour l’essentiel, en matière de coopération sur les transports publics, hors de la vue et de la voix des simples citoyens.

Mais revenons à l’archéologie dans les entours de la gare de Saint-Quentin car elle mérite aussi un regard positif, au delà des inquiétudes bien légitimes (comment sera gérée la transition pour le stationnement, quelles sont les finalités des travaux prévus ?), tant est riche l’histoire du site. C’est pourquoi je livre à mes lecteurs un petit dossier iconographique qui illustre ce que je sais de ce passé.

Et tout d’abord bien sûr, ce dessin, si magnifiquement illustratif des qualités architecturales de cette gare, unique témoin du reportage que firent Fantasio et Gaston (et l’ami Franquin) à l’occasion d’un voyage ministériel des années 60, lequel serait aujourd’hui oublié de tous sans le zèle de ces journalistes facétieux… Les archéologues remarqueront je l’espère que Gaston, à cette occasion, égara divers objets sur le parking de la gare. Tous les amis de Franquin, dont je suis, dresseront des palmes de reconnaissance à leurs travaux s’ils parvenaient à en retrouver quelques uns au cours des fouilles à venir. Leurs recherches permettront peut-être aussi de déterminer pour quelles raisons le si magnifique buffet art-déco de cette gare reste sans affectation depuis plus de 10 ans ?

Autre objet qui méritera je l’espère l’attention des archéologues : la trace toujours visible dans le pavage de la cour de la gare, de l’ancienne ligne de tram qui la desservait jusqu’à une époque indéterminée. Est-il permis d’espérer que la valorisation de ces vestiges archéologiques fera grandir en Vermandois le désir d’une résurrection, autre que muséographique, du tram à Saint-Quentin ?

Les archéologues ne manqueront pas aussi de traquer les vestiges d’une occupation moins éphémère du site de la gare (et de ses parcs à voitures) par l’ancienne Abbaye bénédictine  de Saint-Quentin-en-Isle. Disparue au milieu du 19 ème siècle pour des raisons sans doute autres que ferroviaires, cette abbaye a occupé le site, en créant l’étang en amont à des fins de pisciculture, de façon continue depuis l’an 963. Je vous en livre une vue dressée sans doute à l’époque du Consulat ou de l’Empire. On y voit l’abbaye alors transformée (depuis la période révolutionnaire) en « blanchisserie », terme à ne pas entendre au sens moderne mais comme entreprise de blanchiment (et sans doute de cardage) des draperies les plus fines produites par la ville, notamment les linons.

On peut encore apercevoir cette abbaye sur cet extrait d’une vue du siège de Saint-Quentin en 1557 (source : Cosmographie de Sebastian Munster , fin 16°). Sur cette vue le nord est grosso modo vers la droite. On aperçoit l’abbaye à proximité d’un pont sur la Somme, légèrement à gauche des remparts de la ville sur la gravure. Une partie de l’artillerie de l’armée de Charles-Quint campe sur son territoire. Les historiens disent que l’âpreté de la défense de la ville par ses habitants et les troupes qui parvinrent à renforcer sa défense, contribua à décourager les espagnols de s’avancer plus avant vers Paris.

Espérons qu’il ne faudra pas user d’arguments aussi extrêmes pour obtenir que le réaménagement en cours de cet espace ne se fasse sans concertation avec des usagers qui me semblent en droit d’attendre qu’ils ne compliquent pas trop une vie quotidienne déjà largement dévorée par le temps de transport et ses aléas.

Les abords de la gare routière, notamment les quais dévolus aux bus de la RTA, devraient aussi susciter l’intérêt des archéologues, notamment en raison d’une signalétique et d’aménagements franchement d’un autre âge. Il n’est pas rare non plus d’y rencontrer, (comme d’ailleurs un peu partout dans les abri bus de la RTA) des horaires affichés datant parfois de temps immémoriaux. L’interconnexion avec les horaires des trains Sncf, n’y est plus qu’un lointain souvenir.  Sur la ligne vers Guise par la vallée de l’Oise (desserte qui un temps fut promise en remplacement de la desserte ferroviaire) certains habitants et usagers se souviennent qu’une telle interconnexion fut autrefois d’usage. Nostalgie de chaumières dans un temps où le pétrole et l’essence se raréfient et se renchérissent sans doute durablement ?

 Enfin un petit post-scriptum à l'usage des archéologues qui feront les fouilles : j'espère que pour votre confort votre chantier sera équipé de cabanes de chantier bien équipées car les toilettes de la gare sont fermées un jour sur deux (c'est une moyenne plutôt optimiste). Enfin si vous devez aller à Paris, songez aussi à "prendre vos précautions" car dans les trains corail de la ligne, le remplisssage des chasses d'eau des toilettes a souvent été oublié.

dimanche 12 septembre 2010

Jour de fête au village et "cramignons" : ne fermez pas vos poulaillers !

Il y a une semaine je ne savais pas ce qu’était un « cramignon ». J’étais le 15 et 16 août à Liège jour de la grande fête de « Roture », le quartier populaire d’Outre-Meuse, le quartier le plus populaire (ancien faubourg inondable) de la ville. Je vous en reparlerai car j’ai ramené de ces journées 2 heures de « rushes » dont je ferai un documentaire cet hiver. Un air joué par une fanfare m’avait intrigué car c’était un des moments de transe des festivités de clôture de cette fête (le 16 août où l’on enterre « Matî l'Ohê» (Mathieu l’os, en wallon), le public en chantait les paroles que je comprenais mal. J ‘avais juste retenu le début des paroles « tant qu’il y aura… ». Une recherche sur internet m’a conduit aux fêtes des Cramignons, où cet air est souvent chanté et joué. Alors les Cramignons, c’est une fête que la jeunesse (principalement les jeunes couples mais personne ne semble exclu) se donne en dansant dans les rues des villages de la Basse Meuse durant plusieurs jours.

La Basse Meuse ce sont les confins du plateau de Herve (qui produit un fromage qui ne s’oublie pas), sur la rive droite de la Meuse entre Liège et Maastricht. Le beau film qu’a déposé MissAlive (merci à elle) sur Youtube et que je vous donne à voir a été tourné lors de la nuit de clôture du Cramignon du village de Saive. C’est la « flambée de la mascotte ». Moment où, comme souvent dans les traditions carnavalesques, la fête se termine par l’enterrement parodique et symbolique de la fête (l’enterrement de Matî l’Ohê, à Liège, le 16 août, a la même signification). C’est souvent, dans ces fêtes, le moment le plus intime, celui où les touristes sont repartis et où les acteurs des festivités se donnent à eux-mêmes un moment de transe collective : le bouquet final de la fête.

Il est possible que les paroles de la chanson qui est reprise par le public fassent rire jaune les féministes qui ont oublié de lire Rabelais (on dit que les Cramignons remontent au 16ème siècle) car la métaphore des coqs et du poulailler n’est pas « politiquement correcte » même si la suite des paroles s’éloigne un peu de l’humour machiste.
« Tant qu'il y aura des coqs dans un village
Il y aura des poules à surveiller
Des ptits oiseaux sortiront des cages
Pour écouter le rossignol chanter
Si de l'amour vous craignez les ravages
Dites-vous bien, fermant vos poulaillers
Tant qu'il y aura des coqs … »
Bien entendu, dans le film de MissAlive, le tournage de nuit, la danse des flambeaux, donnent une force particulière à l’évènement filmé. Comme le refrain, repris en boucle par la fanfare, qui évoque pour moi l’esthétique des musiques de transe du soufisme et des derviches tourneurs. J’ai toujours aimé les fanfares, les orphéons, les harmonies (et aussi bien d’autres musiques) mais ce qui m’émeut le plus c’est de savoir que dans cette extrême pointe  de la francophonie (la frontière linguistique avec le monde germanique et néerlandophone est à quelques lieues de ce village), la jeunesse sait se donner une fête truculente, en recyclant une chanson d’un répertoire oublié* par la francophonie académique. J’ espère que la Belgique continuera à vivre et à faire la fête, elle y excelle.

* Musique de Romain Desmoulins, paroles de Dommel et Valfy (années 20 ?)

samedi 26 juin 2010

J'ai mal à France Inter

Oui depuis quelques jours j'ai mal à France Inter en entendant la nouvelle de l'éviction de Didier Porte et de Stéphane Guillon de l'antenne. France Inter, radio de service public pluraliste, c'est depuis bien longtemps ma radio du réveil. Et pas seulement du matin car j'aime aussi, à l'occasion, beaucoup d'autres émissions de l'antenne, "la prochaine fois je vous le chanterai", "l’Afrique enchantée", Interception, "Carnets de campagne", "Crumble", "Eclectique" et les voix de Pascale Clark, Rebecca Manzoni, Vincent Josse, Philippe Meyer, Noëlle Breham, Laure Adler, Philippe Meyer, Jérôme Garcin, Kriss et Claude Villers dont j'aimais tellement l'empathie joyeuse et facétieuse.
Certes je n'adhérais pas tous les jours aux contenus de l'humour des deux licenciés, il est arrivé qu'ils me fassent hurler, mais ils étaient le contrepoint bien nécessaire à la pesanteur des vérités officielles et que serait l'art de la caricature sans la liberté de forcer le trait ?

Ces évictions interviennent dans un contexte de crise de la presse écrite et de soumission croissante de tous les médias à des actionnaires que n'intéressent que les régies publicitaires, la proximité avec le pouvoir en place, et notre "temps de cerveau disponible" comme le disait l'inénarrable Mr Le Lay. Au fil des décennies nos gouvernants ont laissé se réduire comme une peau de chagrin les conquêtes en matière de liberté et d'indépendance de la presse du programme du CNR, à la Libération. En Picardie l'abandon du statut de coopérative ouvrière du journal le Courrier picard, dans l'indifférence générale, a été le dernier acte de la déshérence de ces conquêtes issues du temps de la résistance.
 
Chateaubriand qui défendit toujours, et souvent contre ses amis politiques, la liberté de la presse écrivait : "La presse est un élément jadis ignoré, une force autrefois inconnue, introduite maintenant dans le monde ; c'est la parole à l'état de foudre ; c'est l'électricité sociale. Pouvez vous faire qu'elle n'existe pas ? plus vous prétendez la comprimer, plus l'explosion sera violente". Il écrivait cela dans un siècle où les atteintes à la liberté de la presse faisaient se dresser les barricades dans Paris. Nous n'en sommes peut-être pas là mais c'est un signe d'affolement du pouvoir. Qu'il se soit trouvé comme allié, pour cette basse besogne, quelqu'un comme Philippe Val dont il m'est arrivé d'aimer les chroniques dans Charlie Hebdo ou sur l'antenne en lieu et place des deux humoristes licenciés, est particulièrement révoltant.

mercredi 23 juin 2010

Crise de l'hospitalisation publique : enfin une bonne nouvelle !

En ces temps de morosité et de compression des moyens alloués à la santé publique comme à nos hôpitaux, il faut saluer l'équipe de chercheurs qui vient de réaliser une avancée très remarquable sur le front des troubles du sommeil

mardi 22 juin 2010

Mondial de foot : acheter au bruit du canon et vendre au bruit du clairon ?

Je lis ce matin que les rats quittent le navire, les sponsors de l’Equipe de France dont je parlais hier, retirent tous leurs logos des maillots des joueurs. Tout d’abord ils devraient éviter de lire mon blog qui n’a pas le sérieux de leurs enjeux. Et puis se souvenir que le cœur de leurs métiers c’est quand même d’acheter au bruit du canon et de vendre au bruit du clairon et d’orchestrer au bon tempo ces deux instruments. Ils auront l’air malin si, ce soir, l’équipe de France, retrouvant le panache de sa jeunesse, le goût du jeu collectif et de la coopération à la Godin (j’ai lu dans le journal que l’équipe était désormais en autogestion et ça me les a rendu tout de suite plus sympathiques), fait un match flamboyant. Je ne connais rien au foot à cause d’un instit qui nous alignait sous le préau et nous tirait dans la tronche pour s’entraîner (l’inspecteur d’Académie qui l’avait recruté un peu légèrement dirigeait le club de foot local), et des dimanches de colle à l’internat où l’on me traînait dans des stades où il faisait si froid (les terribles hiver des années 50, quand l’abbé Pierre parlait à la radio), mais je peux imaginer qu’avec tout ce qu’on leur a mis dans la tronche, ils peuvent avoir fabriqué une sacrée dose d’adrénaline.
Pourvu qu'ils se souviennent que c'est du jeu. Tiens je vais aller mettre un cierge à Saint-Antoine !

Granville : Concert à la vapeur

lundi 21 juin 2010

De quoi l'équipe de France est-elle le nom ?

Crédit Agricole, Carrefour, GDF-Suez, SFR

Il est bien rare que sur ce blog je cède la tentation d'écrire des billets d'actualité. Mais entendre, ce matin sur France Inter, Alain Filkenkraut (dont j'ai aimé les textes de jeunesse) invoquer "la caillera des cités" (entendez des banlieues) comme responsable du naufrage bien méprisable de l'équipe de France au mondial, ça passait un peu les bornes du supportable.
Et bien de qui cette équipe est-elle le nom ? La photo à la une de presque tous les journaux ce matin (ici de Libé), m'éclaire car je ne regarde pas les matchs. La photo dit tout, c'est l'équipe du Crédit Agricole (qui plume actuellement sans vergogne ses clients pour se refaire de ses pertes abyssales sur les subprimes), de GDF-Suez (ex fleuron du service public désormais aux mains des champions de la finance), Carrefour (signalétique désormais incontournable de toute nos entrées de villes et responsable du dépérissement de beaucoup de nos coeurs de ville, avec la bénédiction de la classe politique toutes tendances presque confondues), SFR abonnée aux amendes à répétition (sans doute pas à la hauteur des enjeux) pour ententes illicites  avec ses "concurrents" aux fins de plumer conjointement leurs clients. Donc il ne me paraît pas malséant de se réjouir de la déroute de cette équipe d'hommes-sandwiches, avec cette réserve qu'il faut nous apprêter à en payer le prix sur nos factures de frais bancaires, de gaz, d'épicerie et de téléphone car le "retour sur investissement", comme ils disent, ne va pas être fameux.
Et je félicite le Crédit Coopératif, une banque honorable dans un monde de voyous bling bling, de n'avoir pas sponsorisé cette mascarade.

mercredi 19 mai 2010

A Vervins, le rhino, c'est rosse !

 Dessin d'Yves Chaland - Faire la fête au rhinocéros ?
Nuit des musées à Vervins, le week-end passé. Et une bonne surprise car ce petit musée, qui était quelque peu à l'abandon lors de mes dernières visites, s'est enrichi de pièces remarquables sur l'histoire de la ville et elles sont données à voir de manière assez  savante et agréable. Un objet m'a cependant intrigué, il ne faisait pas encore tout à fait nuit, dans la cour de ce musée : un rhinocéros ! Est-ce que, comme les abeilles, ces animaux en  seraient réduits à se réfugier dans les villes pour échapper à leurs prédateurs ? En fait c'est une statue à l'abandon au fond de la cour, un rhinocéros monumental dans le style Tinguely (un artiste que j'aime), la vélocité en moins. Pas de socle, pas de notice, elle est en déshérence dans un carré d'herbes folles. Au moins, se dit-on, ce rhinocéros ne mourra pas de faim ! Mais il commence à rouiller, ce n'est pas très grave car l'artiste n'a pas utilisé des matériaux de première jeunesse et ce qui relève de la patine ou de l'état original est difficile à déterminer.
Un informateur, dont je tairai le nom (je protège toujours mes sources), me dit que la bonne ville de Vervins a acquis cette œuvre pour la somme bien modique, compte tenu du poids de la chose, de 6 000 Euros, et qu'elle semble, depuis lors, s'en désintéresser.
Rhinocéros - oeuvre d'un artiste inconnu dans la cour du Musée de Vervins
Alors je risque une supplique à la municipalité de Vervins : je suis prêt à accueillir de façon temporaire et contractuelle cette oeuvre en dépôt dans mon jardin, je la mettrai sur une socle, je rédigerai une notice sur l'artiste qui l'a réalisée, et créerai autour d'elle une petite placette que j'aménagerai pour l'occasion pour l'agrément de mes amis et de mes visiteurs. Cette placette je la baptiserai "Place des vieux chinois lubriques", pour rappeler à chacun le tribut que l'animal paie (enfin ce qu'il en reste en Afrique) aux forfanteries libidineuses de cette population qui, dit-on, use et abuse de la poudre de corne de rhinocéros.

Une alternative plus pédagogique serait que la ville de Vervins baptise elle même une telle place (le grand rond point sud de la ville n'a pas vraiment de nom par exemple) et y installe le rhinocéros en son centre. Pour que le résultat soit probant, en terme de développement durable, il serait souhaitable que la ville de Vervins se "jumelle" ensuite avec une grande ville chinoise.
Post scriptum : s'il s'agit d'un rhinocéros "sans papiers" et que la discrétion de sa présence à Vervins est une ruse pour tenter de le faire échapper aux épigones de Mr Besson, je retire immédiatement ce billet de mon blog, donc merci de m'en avertir le cas échéant !

vendredi 16 avril 2010

Rire de nos misères ou trembler à l'ombre des pouvoirs occultes ? Le vrai pouvoir des francs-maçons dans l'Aisne


Les francs maçons dans l'Aisne, un pouvoir occulte ? Couverture de l'édition régionale de l'Express

Il y a eu plusieurs âges de la franc-maçonnerie. Au 18ème, quand Mozart en était, dit-on, et j’aime beaucoup « la flûte enchantée » ou sa messe maçonnique, c’était le lieu où se retrouvaient toutes les élites réformatrices de l’époque des lumières qui ne supportaient plus l’absolutisme royal et les dogmes coulés dans le bronze. Ils tendaient vers une spiritualité laïque, pour les moins imaginatifs ça se réduisait à faire tourner les tables. Ils ne bouffaient pas encore du curé : c'aurait été de l’anthropophagie car qu’une bonne partie des loges était alors composée d’évêques et de chanoines (les bonnes sœurs et les curés de campagne pouvaient aller se faire rhabiller).

Sous la restauration et l’Empire (le second) la franc maçonnerie est surtout saint-simonienne : elle investit les bénéfices de l’industrie et du grand commerce dans la religion du progrès technique, des chemins de fer et de l’industrie lourde. Les évêques et les chanoines ont déserté les loges mais dans l’aventure coloniale francs maçons et missionnaires feront  plutôt bon ménage, sauf quand les curés se mettront à prôner le respect de l’indigène voire la décolonisation. Il y aura alors de la fâcherie dans l’air, et plus si affinités.

A la belle époque des années 1900, la franc-maçonnerie vire à l’anticléricalisme militant (tout en singeant les liturgies cléricales). Cette hostilité militante tient pour une part au fait que l’Eglise s’est alors enferrée dans des postures morales, sociales et politiques d’arrière garde mais aussi, chose moins dite, au fait qu’elle est soupçonnée de mollesse sentimentale par une gauche républicaine virile et patriote qui rêve de revanche et supporte mal de voir la gent féminine continuer à aller à vêpres. Les congrégations seront stigmatisées au moment (salutaire) de la séparation de l’Eglise et de l’Etat pour des motifs aussi louches que les jésuites au 18ème : on leur reprochait officiellement leur hostilité au gallicanisme (la main mise de l’Etat sur la sphère religieuse) et officieusement les colons et les commerçants au long cour de la traite esclavagiste, supportaient surtout très mal leur internationalisme et leur défense des sociétés indigènes.

La guerre de 14-18 provoque une pause dans ces hostilités intérieures : le zèle que met l’Eglise à soutenir le moral des troupes  et à bénir les massacres de masse lui vaut un regain de respect même chez les francs-maçons. L’entre deux guerre ne sera pas une période faste pour la franc-maçonnerie bien qu’elle continue à fournir ou à fédérer une bonne partie des élites républicaines, notamment chez les radicaux.

Pétain n’a pas été réglo avec les frères dont un fort contigent, parlementaire, lui avait voté les pleins pouvoirs. Il en fait un de ses boucs émissaires favoris. Le fascisme d’inspiration païenne et nihiliste n’aimait pas les cléricatures fussent-elles laïques, il visait une mobilisation totalitaire des consciences, des énergies des imaginaires. Ils seront persécutés et parfois déportés. En moins grand nombre cependant que les Juifs, les Tziganes, les Slaves et les malades mentaux.

Après guerre ils auront un petit passage à vide mais de Gaulle leur fournira une figure à qui s’opposer : on le soupçonne d’être maurrassien, crypto royaliste, bigot. Et puis il a donné, c’était dans le programme du CNR, le droit de vote aux femmes ! Par décret signé à Alger de surcroît, un vrai dictateur ! Dans ma jeunesse j’ai entendu des directeurs de collèges ou de lycées qui portaient fier à leur boutonnière leur allégeance maçonnique dire, sans rire, que « de Gaulle avait donné le droit de vote aux femmes parce qu’elles votent comme le curé leur dit de voter ».  Ils admiraient aussi la virilité d’un Guy Mollet qui se fit élire sur un programme de paix en Algérie et y envoya le contingent pour des opérations qui – disait-il- n’étaient pas « de guerre ». On avait trouvé un nouveau mot qui était la « pacification » comme aujourd’hui on parle de « techniciens de surface » (les conséquences étaient plus lourdes). Les « frères » aimaient d’autant moins les curés, dans ces années là, qu’on en croisait pas mal au PSU.

Alors aujourd’hui on leur reproche leur clandestinité, une pratique de « boutique obscure », et, franchement elle ne me paraît pas plus patente que dans la plupart des groupuscules politiques, syndicaux ou professionnels. Personnellement j’y vois une sorte de groupuscule pour notables où se rencontrent une bonne partie du haut du panier de la classe politique et du monde économique. Ça a la même fonction qu’avait la cour sous Louis XIV, c’est un lieu de socialisation où les participants peuvent vérifier qu’ils se détestent mutuellement tout en s’accordant sur le fait qu’ils ne se feront pas de misères irrémédiables. C’est le lieu où se fixe sans doute une sorte d’ « éthos » de classe (comme disait Bourdieu), à ce titre c’est un espace de pacification, une fois passée l’épreuve des joutes électorales. Ne pas en être, quand on a quelque ambition locale, peut à l'occasion exposer à quelques désagréments : mon ami Daniel Dormion, ancien maire de Bohain et promoteur de la Maison Matisse, en a fait, à ses dépens,la bien cruelle expérience, par exemple.

Dans le pire des cas c’est le lieu des petits arrangements souterrains où se forge le respect mutuel et les frontières des territoires de pouvoir (mais ont-ils vraiment besoin de ça pour exister ?), dans nos provinces, entre les petits patrons du BTP, de la grande distribution, de l'agro-alimentaire, de nos autorités consulaires, et la classe politique. A ce niveau régional le grand patronat des industries d’armement, des médias et de la finance, ne sont pas dans le coup, leurs intérêts se jouent à un autre niveau. La franc-maçonnerie s’identifie donc surtout, ce me semble, à la République provinciale des notables.

On m’a proposé un temps d’en être : j’ai dit non, merci, ce n’est pas pour moi. C’était sans animosité et je ne le regrette pas, bien que ça aurait peut-être – allez savoir – fait avancer la cause de mon élection à l’Académie française ! Il vaut toujours mieux rire de nos misères que de faire pleurer son public. Et je vous souhaite d’en rire plutôt que de trembler à l’ombre des pouvoirs occultes.

dimanche 11 avril 2010

La région Picardie innove en élisant un vice-président chargé du temps qu'il fait !

Après la rose de Picardie, la rose des vents, nouvel emblème de la Région Picardie ?

Lecteur de cette chronique sois attentif à la syntaxe. Quand j’ai lu sur le site du Conseil Régional de Picardie que l’un de ses vice-présidents récemment élu (le deuxième) était chargé du climat, mes neurones ont tressailli. J’ai été relire l’énoncé de ses délégations et je n’avais pas rêvé : il était bien écrit : « Eco-développement, virgule, Energie, virgule, Climat » et pas « Eco-développement, Energie-climat » avec un tiret. Si j’avais lu « Energie-climat » je me serais dit, c’est courageux mais finalement dans l’ordre du raisonnable, la région picarde n’accepte pas l’échec des négociations de Copenhague et s’engage dans une réflexion et des actions pour limiter  l’impact de nos consommations d’énergies sur le changement climatique.
 
Mais avec une virgule ce n’est plus le couple Energie-climat qui est en jeu mais c’est le climat lui même qui est la compétence de ce vice-président. Donc pour la première fois sans doute sur la planète, la région picarde innove en nous dotant d’une sorte de Ministère du temps qu’il fait. C’est une INNOVATION ENORME, une telle chose ne s’était pas vue depuis que Philippe le Bel, au XIVème siècle désigna les Templiers comme « faiseurs de la pluie et du beau temps, en son royaume» et conséquemment les fit sur un bûcher périr. 
 
On mesurera l’audace inouïe de cette novation en rappelant que même une autorité scientifique aussi haute que Météo-France n’a jamais franchi ce pas. Chaque fois que des agriculteurs mécontents manifestent devant ses antennes régionales pour se plaindre du temps qu’il fait eu égard à la qualité de leurs récoltes, Météo-France fait prudemment savoir qu’elle a en charge l’observation du phénomène et la prévision du temps qu’il fera mais pas du tout du pouvoir de faire la pluie et le beau temps.
 
Foin donc de cette modestie hypocrite ! Et je me réjouis, comme picard, que nos plus hautes autorités se souviennent enfin que la fierté est un trait essentiel de l’âme picarde : « Roi ne suis, ne prince, ne duc, ne comte aussi. Je suis le sire de Coucy ! » proclamaient déjà, en leurs blasons, leurs prédécesseurs.
 
Un des risques de cette audace (mais on  ne fait pas d’omelette sans casser les œufs) est cependant de refermer cette belle question ouverte par Jean-Paul Vaillant dans la revue la Grive : il parlait de l’Ardenne mais c’est un pays si voisin qu’elle est d’actualité aussi en pays picards : « L’Ardenne raturée par les pluies, sabrée par les vents, blessée par les guerres, âpre, triste, douloureuse et vieille… d’où vient que ses habitants l’aiment si farouchement » (cité par André Dhôtel dans « Lointaines Ardennes »). L’observateur attentif que je suis de nos conversations les plus quotidiennes ne peut s’empêcher de se  demander : comment pourronsnous continuer à aimer la Picardie, et notre prochain, si la météorologie, devenue une chose si sérieuse, quasi ministérielle, nous prive de nous plaindre du temps qu’il fait ?
 
Mais comme un bonheur ne vient jamais seul, je note qu’on a eu la sagesse de nous doter d’un vice-président au climat et pas d’un vice-président aux micro-climats. Chacun peut en effet observer qu’en matière météorologique il en est comme du temps des horloges : chacun voit midi à sa porte ! Quand l’herbager de Thiérache souhaite un peu de pluie pour reverdir ses pâtures, la grande culture en Santerre espère beaucoup de soleil pour faire murir son froment. Quand le chasseur de la baie de Somme espère un temps de canards, l’automobiliste picard espère un automne bien sec quand les betteraves –si glissantes par temps humide- prennent la route des sucreries. Et l’estivant qui barbote dans les eaux des côtes du Vimeu comprend rarement les plaintes afférentes à la canicule dans l’arrière pays.
 
Les poseurs de paratonnerres, les tireurs de fusées contre l’orage ou la grêle, les promoteurs de pèlerinages pour tous ceux qui espèrent les faveurs du ciel, les propagateurs de mauvaises nouvelles, les fabricants de PPRI, les marchands de parapluie ou de filtres anti-UV, n’ont donc pas à s’inquiéter pour leurs fonds de commerces : le débat météorologique restera ouvert malgré sa récente promotion au rang de priorité régionale.
 
Je salue le courage de ce nouveau et si jeune vice-président de notre belle région. Et j’espère qu’il saura trouver, dans la mise en œuvre de son programme climatique, le juste équilibre du bien public et de l’intérêt général. Faute de quoi la sanction pourrait être sévère : si le temps qu’il fera ne convient pas au plus grand nombre, les démagogues ne manqueront pas de le désigner comme bouc émissaire des aléas de ses missions. 
 
Une pensée m’est aussi venue en lisant ces nouvelles ; c’est qu’en déléguant cette compétence si innovante à un de ses vice-présidents, le Président Gewerc avait peut-être aussi voulu ouvrir un espace métaphorique. De sa jeunesse quelque peu libertaire il se souvient sans doute d’avoir lu comme moi les bons auteurs – issus pour la plupart de la résistance dans les milieux psychiatriques - du courant de la psychothérapie institutionnelle (Tosquelles, Bonnafé, Jean Oury, Guattari..etc). Ce courant a souvent souligné, que l’urgence climatique, dans les institutions humaines, c’est de « traiter l’ambiance » comme le répète si souvent, avec le sourire qu'on lui connait, Jean Oury. Gageons donc, si mon intuition est fondée, que cette promotion du climat comme nouvelle ambition politique saura mettre un peu de bonne humeur dans les travaux de notre nouvelle assemblée régionale.

jeudi 8 avril 2010

Paris 1900 : le Centre Georges Pompidou (à l'époque Centre Beaubourg) avant sa rénovation

Paris 1900 : Le Centre Georges Pompidou ou Centre Beaubourg, avant sa rénovation © Ane Vert

Notons qu'avant sa première rénovation, seuls étaient admis au Centre Beaubourg, les chevaux, les cavaliers qui les montaient, et les palefreniers qui leur prodiguaient le picotin et leur lustraient le poil.
Le Centre Beaubourg, rebaptisé Centre Georges Pompidou lors de sa première rénovation des années 1970 par les architectes Piano et Rogers, a été rénové une deuxième fois au cours des années 1995-1999.
Notons aussi que depuis cette seconde rénovation la rampe d'accès, devenue escalator, qui avait libéralement été intégrée à l'espace public parisien durant une vingtaine d'années, n'est plus librement accessible aux chevaux comme au public, un péage a été instauré qui tient à l'écart les flâneurs, les promeneux, comme les petits curieux.
Dans le même temps, car un progrès en appelle toujours d'autres, forcément plus bouleversants, le grand hall du rez-de-chaussée a été réaménagé en hall d'aérogare capable d'abriter les filles d'attente d'un public nombreux et enthousiaste. Mais curieusement, en raison des mesures de sécurité et de l'étancheïté désormais instituée entre la BPI et le reste du centre (on ne mélange pas l'Art et les scribouillards) ce hall a été vidé de cette fonction de salle d'attente : les queues souvent monstrueuses, et quel que soit la météo (grand froid, pluie, cagnard), se font à l'extérieur : sur le parvis pour le Musée, rue Beaubourg pour la BPI.
On notera aussi au crédit de cette seconde rénovation la disparition de la grande fosse centrale qui, dans le hall, accueillait des évènements plastiques et oeuvres de grande taille pour la joie première (et gratuite !) des visiteurs. On ne sait trop si la disparition de la grande Nana de Niki de Saint-Phalle, que le Musée d'Art Moderne a "égarée" dans ces années là est liée à cette réorganisation-marchandisation du Centre Georges Pompidou. S'agissait-il en fait d'une évasion ?

Notons enfin que ces innovations ont reçu l'aval d'une palette assez large de décideurs politiques : initialement mises en œuvre sous les gouvernements Balladur et Jupé, elles furent inaugurées, sans qu'elle y trouva à redire, par Madame Catherine Tasca (gouvernement Jospin).

Nota bene : le lecteur aura compris qu'il s'agit d'un gag. La photo, trouvée dans une revue populaire d'avant 14-18 représente l'écurie à chevaux d'une unité de la police d'une ville allemande (dont j'ai oublié le nom). Ce bâtiment avait retenu l'attention du rédacteur comme innovation architecturale. Remarquons que la structure de cette écurie ressemble beaucoup (les matériaux en moins) à celle du Centre Georges Pompidou. J'aimerais savoir si Piano et Rogers ont vu cette image ou s'ils l'ont "ré-inventée" ?