mercredi 18 avril 2012

Thiérache : vers un bocage peau de chagrin ?

Que faire face à ce constat ? L'âne vert s'associe bien volontiers et co-signe la tribune libre qui suit
Vers un bocage peau de chagrin ?


Le bocage et ses haies vives qui est le paysage que nous aimons, façonné au fil des siècles par des générations d’herbagers producteurs de la merveille de Maroilles, le bocage thiérachien se réduit à vitesse accélérée, chacun le constate, et les chiffres des recensements de l’agriculture le confirment.
En dix ans la Thiérache a perdu près de 300 exploitations agricoles, pour l’essentiel des producteurs de lait. En vingt ans les surfaces de prairies herbagères ont reculé de plus de 53% dans l’Aisne, pendant que le nombre d’exploitations laitières chutait de 68% et que le cheptel de vaches laitières, malgré l’augmentation de la taille des troupeaux, reculait de 36%. C’est en Thiérache dont ce fut longtemps la spécialisation identitaire que ces reculs se sont faits pour l’essentiel.

A l’origine de ces bouleversements :
- très souvent le découragement des producteurs de lait dont la production n’est pas rémunérée à la hauteur du travail sans temps morts qu’elle exige
- la pression sur le foncier des filières agricoles plus rémunératrices sur le court terme, l’abandon des régulations de marché qui assuraient des prix planchers aux producteurs et rendaient possibles, en maîtrisant le foncier, des ambitions d’aménagement du territoire et de valorisation de nos paysages.
- l’insuffisance des aides publiques à développer, autour du lait et de l’industrie des produits laitiers, des labels de qualité et de terroir, des filières à haute valeur ajoutée, des circuits courts
- l’insuffisance encore de la reconnaissance publique de la contribution des herbagers, quand ils ne font pas de l’élevage en batterie, à la préservation de la biodiversité, à la protection des sols, au ralentissement du ruissellement des eaux dans les périodes de crue, à la préservation des zones humides, au développement de la filière bois pour le chauffage et la reconstitution des sols.

Si ces tendances lourdes se prolongent encore une ou deux décennies on peut craindre pour demain un bocage qui se réduirait aux vallées de nos rivières, à une étroite lisière des forêts du Nouvion et de Saint-Michel ; et une filière bois, dans le nord de l’Aisne, définitivement sinistrée. Bien entendu les subventions qui encouragent la plantation de haies sur le territoire sont un palliatif partiel, mais il ne sera jamais à la hauteur des dizaines d’hectares de prairie humides et de haies bocagères livrées aux labours chaque année depuis des décennies.

Pour relever tous ces défis, la vie politique de nos pays a besoin d’hommes et de femmes pour qui l’écologie ne soit pas une matière à option, claironnée le temps d’une campagne électorale, et vite rangée au rang des accessoires.
C’est pourquoi nous soutenons la candidature d’Eva Joly dont l’engagement, aux côtés de José Bové, est totale :
- pour une agriculture paysanne de qualité respectueuse de la biodiversité et protectrice des ressources si nécessaires à la vie que sont l’eau, les forêts, les zones humides, les zones de bocage, les insectes pollinisateurs
- pour des circuits courts à valeur ajoutée entre producteurs et consommateurs, pour l’approvisionnement en bio des cantines scolaires
- pour la promotion de labels de qualité et d’origine contrôlée assortis de cahier des charges transparents, pour une alimentation saine et une vigilance sans relâche sur les lobbys des grands groupes chimiques et semenciers (OGM, brevetage du vivant) dont les profits se font trop souvent au détriment de la santé publique.
- pour des pratiques d’élevage respectant l’animal et le consommateur et une reconversion progressive au bio des techniques culturales.
-pour une régulation internationale des prix agricoles garantissant une juste rémunération aux producteurs, pour une régulation du foncier agricole et une aide aux initiatives associatives favorisant l’installation de jeunes agriculteurs
- pour une équité et une solidarité territoriale garantes d’un accès aux services publics et de proximité dans les zones rurales délaissées.

Liste des 24 signataires, merci à eux :
 

Aurélien Wéry, des jeunes écologistes
Bertrand JEANDEL, EELV
Brigitte FOURNIE-TURQUIN, conseillère municipale à Laon
Christian SYLVESTRE. candidat Europe Ecologie les Verts dans la 3ème circonscription de l’Aisne
Claire JULLION, ardennaise bocagère
Claude HARMELLE, sociologue
Evangelia RALLI, Ribemont
François BRAILLON, paysan retraité
François TURQUIN,
François VATIN
François VEILLERETTE. conseiller régional Picardie
Gabrielle ELIAS, jardinière de Bohéries
Gérard BALITOUT, conseiller municipal délégué, Hirson
Jacques MAHIEUX, musicien rural
Jean-Jacques FIN, maraîcher bio à Laon
Jean-Marc KUPECKI, retraité
Jean-Paul MEURET, historien de la Thiérache, diplômé de l’EHESS
José MEURICE, maire adjoint de Watigny
Marie-Claude MALLEVERGNE
Marie-Françoise VERHOOG, chargée d’études en environnement
Marie-Reine DUFRETEL
Michèle CAHU, conseillère régionale Picardie
Nora AHMED-ALI, conseillère municipale à Saint-Quentin, secrétaire du GAL Nord de l’Aisne d’Europe Ecologie les Verts
Roel VERHOOG

dimanche 1 avril 2012

Une nouvelle semence de betteraves OGM va-t-elle révolutionner la filière énergétique en Picardie ? Vers une reconversion de la filière betterave-ethanol d’Origny Sainte-Benoite et la création d’un nouveau centre de stockage des déchets nucléaires à Marly-Gomont ?

C'est le "Poisson d'Avril" auquel vous avez échappé cette semaine. J'avais écrit ce texte avec l'idée, facétieuse, de créer un buzzz (enfin une rumeur) dans le genre "poisson d'avril" sur le internet cette semaine via un blog "ad-hoc". Des esprits sages m'ont convaincu que mélanger la fiction et le réel sur des sujets à certains égards si angoissants pour mes contemporains, sujets qui méritent des réflexions et des actions bien réfléchies, n'était peut-être pas très pertinent, particulièrement dans le contexte présent. Rire de nos misères reste cependant toujours d'actualité donc je diffuse ce texte sur mon blog en l'assumant comme une fiction. Ce texte contient cependant des allusions à des problèmes graves, notamment la question des justifications pseudo-écologiques et économiques de la filière de carburants betterave-éthanol. J'y reviendrai de façon plus sérieuse sur ce blog prochainement.

Usine Tereos d'Origny-Sainte-Benoite (Aisne) qui produit à la fois du sucre et de l'éthanol à partir des betteraves sucrières.

Une réunion secrète se serait tenue récemment au Qatar réunissant des investisseurs qataris, des acteurs majeurs de la filière betteravière picarde (groupe Tereos, Crédit-Agricole), un grand groupe semencier international (Monsanto), des industriels de la filière nucléaire européenne (Areva, Siemens) et des groupes actifs dans le traitement et le stockage des déchets industriels (Valor-Aisne et Andra).

Le point de départ est la mise au point jusqu’ici tenue secrète par le groupe Monsanto, d’une nouvelle variété de betteraves sucrières génétiquement modifiée (code xx3145) dont la particularité est son haut pouvoir absorbant de la faible radio-activité ambiante dans les sols de toutes natures. La culture de cette nouvelle semence semble avoir été testée à assez grande échelle dans des pays de l’Union Européenne (Pologne, Roumanie) où la réglementation environnementale est peu contraignante.

La culture à plus grande échelle ouvrirait la perspective d’une reconversion de la distillerie d’Origny Sainte-Benoite (groupe Tereos) en centrale nucléaire douce disposant du label « développement durable ». On savait la filière betteravière inquiète des critiques des scientifiques de l’écologie que la Cour des Comptes vient de relayer récemment en dénonçant un gouffre à subventions aux justifications écologiques en trompe l’œil. Une commission sénatoriale a par ailleurs récemment préconisé une baisse drastique des exonérations de TIPP dont bénéficie cette filière, ruineuses pour les finances publiques. C’est ce contexte qui explique la reconversion en cours par le groupe Tereos de sa distillerie normande de blé-éthanol en usine d’amidon.

Cette filière ouvre la perspective d’une reconversion, véritable bouée de sauvetage pour l’usine d’Origny, de la distillerie d’éthanol en centrale nucléaire d’un type nouveau utilisant comme combustible les éléments faiblement radioactifs concentrés dans les betteraves xx3145 et rendus industriellement utilisables au terme d’un processus de raffinage dont la faisabilité faisait l’objet de la réunion au Quatar. Il s’agit dans un premier temps de réunir les capitaux importants que nécessite la mise au point de ce nouveau process de production. Le groupe AREVA qui est inquiet pour ses approvisionnements en uranium suite à l’insécurité qui prévaut actuellement sur ses principaux sites d’extraction en Afrique sub-saharienne suite aux pressions (enlèvements de personnels) exercées par le groupe Al Quaeda au Maghreb dans cette région, s’est montré intéressé.

Le groupe Monsanto a également fait prévaloir l’intérêt de cette nouvelle semence OGM dans des applications de dépollution des sols consécutifs d’accidents nucléaires de grande ampleur. L’électricien japonais TEPCO, propriétaire des centrales de Fukushima, était d’ailleurs présent, à titre d’observateur, à la réunion de Doha, capitale du Qatar.

Le problème du traitement et du stockage des déchets de cette nouvelle filière semble également avoir été abordé à la réunion de Doha. C’est sans doute ce qui explique la présence à cette réunion de Valor-Aisne et de l’Andra (qui gère les centres de stockage  des déchets nucléaire en France et conduit actuellement des programmes ambitieux de recherche-développement sur des projets de stockage à grande profondeur). Il se murmure auprès des milieux autorisés qu’un projet de centre de stockage d’un type complètement nouveau serait à l’étude à Marly-Gomont (Thiérache) ou sur le site de l’ancienne base militaire de Couvron, près de Laon. On notera que l’Agence de Développement Economique de l’Aisne avait également délégué un observateur dans la capitale du Qatar. La localisation à Couvron semble cependant bien douteuse compte tenu de la proximité de ce site avec la capitale administrative de l’Aisne et compte tenu aussi de la longue série de projets annoncés à grand renfort de fanfares et sitôt avortés qu’a connu ce site. Les géologues consultés penchent plutôt pour le site de Marly-Gomont dont les couches argileuses profondes, assez semblables à celles du site de Bure aux confins de la Meuse et de la Haute-Marne actuellement développé par l’ANDRA, sont bien plus propices à de tels projets.

La proximité de Marly-Gomont avec le champ de courses de La Capelle aurait également été retenue comme un point positif par les investisseurs qataris. Nos lecteurs se souviendront peut-être qu’une délégation venue de Doha a visité l’été dernier ce champ de course. Après le PSG, peut-on s’attendre aussi à un investissement significatif de l’émirat à La Capelle ? Décidemment on ne peut que se réjouir de l’intérêt nouveau des investisseurs internationaux pour l’Aisne et la Thiérache et plus que jamais « Invest it ‘s op ‘Aisne ! ».

Tout projet ambitieux attirant immanquablement dans notre pays son lot habituel de « pisse-froid » et « mauvais coucheurs », cette perspective, sitôt connue, a déchaîné quelques controverses. Marine Le Pen a déclaré qu’elle ne laisserait pas planter un minaret sur La Chapelle* (sic). Plus sérieusement le chanteur Kamini a déclaré la semaine passée qu’il ne laisserait pas transformer la capitale mondiale du Rap rural en poubelle nucléaire et il semble qu’un grand rassemblement européen est en préparation sur le site de Marly-Gomont pour le dimanche 1er avril.
 * son directeur de campagne semble avoir eu des difficultés à lui faire comprendre qu’il s’agissait d’un champ de course sis sur la commune de La Capelle.

Kamini à Marly-Gomont