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mardi 18 janvier 2011

Inondation, effondrement des berges du canal de la Sambre à l'Oise, déshérence des services publics en Thiérache

La chronique de la déshérence des services publics dans la haute vallée de l'Oise, en Thiérache, égrène sa froide et répétitive banalité. Durant la récente inondation les berges du canal de la Sambre à l'Oise se sont effondrées, comme il était bien prévisible (voir nos chroniques précédentes en cliquant sur "canal sambre" dans la liste des mots clés dans la colonne de droite) à proximité du pont-canal de Vadencourt. Fuite sans doute insignifiante compte tenu de l'ampleur de l'inondation me direz-vous, un peu d'eau et de boue ajoutées à niveau déjà exceptionnel. Mais il y a boue et boue, le limon de la rivière en crue peut être fertilisant pour les prairies de fond de vallée (dans les maisons c'est une autre histoire), mais qu'en est-il des boues du canal ? Nul de sait si une analyse de leur toxicité a été entreprise, par exemple.
Cerise sur le gâteau les services départementaux de l'équipement n'ont pas trouvé le loisir de flécher un itinéraire de délestage (une déviation) pour les camions ou voyageurs de long-cours sur la départementale 960 (une ancienne nationale) coupée pendant 3 jours à hauteur de Vadencourt et les inondés, en sus de leurs petits soucis, ont du tirer d'affaire de nombreux égarés. Les GPS ne connaissent pas les inondations ! Seuls les services municipaux de Vadencourt se sont mobilisés pour poser des panneaux interdisant le passage.
Une petite note positive cependant : la retenue de Proisy a fonctionné cette fois (en décembre on avait négligé, semble-t-il, d'activer le clapet : les crues moyennes semblent peu intéresser les décideurs qui doivent vivre sur les hauteurs). Elle a sans doute écrêté la crue d'environ 20 centimètres et Guise a sans doute évité d'égaler l'étiage de la crue de 1993. On est sans nouvelle du projet de retenue en amont d'Hirson mais on peut espérer que le niveau de crue qu'a connu Hirson désarmera les lobbies qui s'opposent à ce projet. Dans tous les cas les légendes et rumeurs ont la vie dure : j'ai encore entendu des esprits d'habitude raisonnables soutenir au comptoir des cafés que ces retenues sont faites pour protéger Paris ! Le rappel que l'Oise se jette dans la Seine à Conflans-Sainte-Honorine, soit très en aval de Paris ne suffit pas à désarmer cet argumentaire dont l'imaginaire, on l'aura compris, n'a rien de géographique.
 Brèche dans le Canal de la Sambre à l'Oise à Vadencourt - Photo Association Canal Set

Et puis une note d'humour involontaire sur le site internet de VNF :  si vous tapez "sambre oise" sur le moteur de recherche de ce site vous tomberez sur la suggestion d'itinéraire suivante :
"Chauny - Maubeuge 
Balade sur le canal de la Sambre à l’Oise avec notamment le franchissement de nombreuses écluses, de pont-canaux et ponts tournants manuels Au départ de Chauny, vous serez au cœur du trafic plaisancier de la Picardie, où plusieurs voies se croisent. Une halte à La Fère et son château s’impose. L’écluse Hachette près de Maroilles et l’usine élévatoire de Locquignol, valent le voyage avant l’arrivée dans la ville de Maubeuge fortifiée par Vauban 
- 121 kilometres
- 49 ecluses
- 30 heures environ"
Notez que le canal est fermé depuis bientôt 5 ans et que le délai de "réservation" pour cette ballade n'est pas précisé ! VNF, en outre, ne semble pas avoir lu le livre si charmant que Robert-Louis Stevenson a consacré à cet itinéraire ("Voyage sur les canaux et rivières du Nord de la France")
Dernière heure (samedi 22 janvier 2011) : ce matin je constate sur le site de VNF que la description de l'itinéraire a été supprimée depuis sa publication sur l'âne vert. Par contre il ne semble pas que VNF fêtera ses vingt ans sur le canal de la Sambre à l'Oise, aucune nouvelle sur le site hors le fait que l'avis de fermeture à la navigation va bientôt arriver à  péremption.  Il a déjà été réédité en 2008 car l'avis initial de février 2006 n'était plus pérenne (il n'est d'ailleurs plus visible en archive). VNF teste sans doute, en Thiérache de l'Aisne, la possibilité d'une inscription de son patrimoine au livre des records : la plus longue fermeture de son l'histoire de la navigation fluviale. On peut aussi apercevoir sur le site de VNF un film "ludique et décalé" qui donne à penser que seule la musique semble en mesure de réveiller les énergies de VNF. Le film commence par une scène - un aveu ? - où le personnel de VNF est figé, statufié ou endormi, immobilisé sans doute par on ne sait quelle baguette magique : une sirène (la "pincoya" peut-être que j'ai déjà croisée dans ma jeunesse à Chiloé au Chili ?) de passage dans les bureaux du nouveau siège ? C'est peut-être le moment de sortir nos orphéons !


  Le Canal de la Sambre à l'Oise à Vadencourt après rupture de la berge- Photo Association Canal Set
  Brèche dans le Canal de la Sambre à l'Oise à Vadencourt - Photo Association Canal Set
Pour toute information complémentaire et soutiens: Association Canal Set (défense du canal)  c/o Francine KIMPE - 02510 IRON Tel 03 23 60 45 16

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vendredi 7 mai 2010

François Eberlé, final du concert du 1er mai à Sains-Richaumont : la Taverne de Jacques (hommage) à Boué

La première fois que j'ai rencontré François Eberlé il marchait sur les traces de Robert-Louis Stevenson dans la vallée de l'Oise et venait vérifier que j'étais bien le sonneur des cloches que Stevenson avait entendues en 1876 durant son voyage en canoë sur la Sambre et l'Oise. Il fut dépité d'apprendre que le hameau où j'habite etant privé de cloches depuis la révolution, je ne pouvais être ce carillonneur... Cette histoire m'ayant beaucoup rajeuni nous sommes devenus amis.
J'étais à son concert du 1er mai où il a chanté à Sains-Richaumont en compagnie de Marie (voix et violoncelle) et Thomas Eberlé (voix et guitare), avec, au violon, Renaud Marin. J'ai filmé pour vous le final de ce concert une chanson où François rend hommage à Jacques qui a tenu longtemps une taverne à Boué où aimaient à se retrouver beaucoup de musiciens et où j'ai, personnellement découvert de jeunes musiciens écossais eux aussi inspirés par Robert-Louis Stevenson.



J'ajoute que François a été l'inventeur d'un éphémère festival Stevenson en Thiérache qui fut l'occasion d'échanges fort sympathiques avec l'Ecosse des musiciens et des sociétés savantes stevensonienes. La récupération institutionnelle de ces impulsions n'a jusqu'à ce jour accouché que de souriceaux, et de toute façon, l'idée elle même est en grande partie hypothéquée par la déshérence où a été laissé depuis plus de 4 ans le canal de la Sambre à l'Oise (fermé pour non entretien des ouvrages, voir mes contributions précédentes sur le sujet). Cependant la nouvelle se répand tout le long des vallées de la Sambre et de l'Oise que de petits groupes de passionnés et de bénévoles travaillent à des projets locaux où le voyage et le livre, si remarquable, de Stevenson sont remis en mémoire pour impulser des énergies nouvelles. Du côté du canal il se dit aussi qu'un déblocage serait à l'ordre du jour : l'absence de communication des autorités sur le sujet fait que la vigilance des riverains comme des amis de Stevenson reste d'actualité.

PROCHAIN CONCERT de François Eberlé : Lille   Le Biplan  à 22h
le 28 mai 2010
Entrée: 5,5 euros
(voir aussi son site que j'ajoute en lien sur ce blog)

mercredi 19 août 2009

Une lettre de soutien au FNLCSO-canal historique de Robert-Louis Stevenson


En septembre 1876, j’ai débarqué à Anvers avec un ami écossais et deux canoës (l’Aréthuse et la Cigarette – mes excuses pour ce nom là, en ces temps là ce n’était pas « politiquement incorrect »). Notre projet était de rejoindre Pontoise en passant par la Sambre et l’Oise. Je me souviens bien qu’entre Maubeuge et Etreux le voyage fut magnifique. A Etreux où les eaux de la Sambre et de l’Oise se séparent, nous avons vu qu’il y avait beaucoup d’écluses pour rejoindre l’Oise à Vadencourt. Les écluses étaient un peu notre hantise car traîner nos canoës et notre barda pour les contourner n’était pas toujours facile. Nous avons donc loué à Etreux une petite carriole avec un âne pour transporter nos bateaux jusqu’à Vadencourt. Nous parcourûmes le cœur léger cette petite route qui, d’Etreux à Vadencourt , suit la vallée du Noirrieu.  Je relis pour vous ce que j’écrivis alors : « Le lendemain matin, avant neuf heures, nos deux canots furent installés sur une charrette légère à Etreux, et nous les suivîmes bientôt tout le long d’une riante vallée pleine de houblonnières et de peupliers. D’agréables villages s’étendaient ça et là à flanc de coteau, notamment Tupigny, dont les perches à houblon suspendaient leurs guirlandes jusque dans la rue et festonnaient les maisons de leurs grappes. Notre passage suscita un très vague enthousiasme : les tisserands mettaient la tête à leur fenêtre, les enfants poussaient des cris d’extase à la vue des barquettes, et des piétons en blouse qui connaissaient notre charretier le plaisantaient sur la nature de son chargement.
Nous eûmes quelques averses, mais faibles et passagères. L’air était pur et doux parmi tous ces verts pâturages … le temps ne montrait pas le moindre signe automnal. Enfin, à Vadencourt, quand nous nous mîmes à l’eau, partant d’une petite pelouse face à un moulin, le soleil apparut et fit scintiller tous les feuillages de la vallée de l’Oise"

La « vallée d’or »  s’ouvrait alors à nous et une crue subite (il avait beaucoup plu les jours précédents) a quelque peu précipité l’allure de notre voyage vers Pontoise. Au passage nous avons pu admirer le pont canal de Vadencourt et par la suite nous sommes passés avec nos canoës sous celui de Macquigny. Les étapes d’Origny-Sainte-Benoîte et de Moÿ de l’Aisne furent particulièrement charmantes. A la suite de ce voyage j’ai publié mon premier vrai livre de voyage : « An inland voyage » (il a été traduit en français vers 1900) . On me dit que quelques esprits curieux le lisent encore, certains en cachette me dit-on eu égard à « la cigarette » mais c’est sûrement une exagération bien française, je me souviens que vous  êtes un peuple bien facétieux.

On me dit aujourd’hui que la circulation sur le canal est interrompue depuis des années à Vadencourt. Cette nouvelle me stupéfie au moment où les frontières s’ouvrent si largement en Europe (et vous avez bien de la chance sur ce point car au cours de mes voyages j’ai souvent eu affaire aux soupçons des douaniers et de la maréchaussée). L’abandon de ce canal pose la question de savoir pourquoi vos grands décideurs consentent aujourd’hui à ce que votre espace se referme.  Les seules voies immatérielles de la finance auraient-elles seules droit de cité dans le monde dont ils rêvent ? Chacun sent bien pourtant que ces voies d’eau sont une ouverture sur un avenir plus attentif à la douceur des choses, des êtres et de notre environnement. Il me revient un mot, d’une grande sagesse, que me dit un batelier sur ce canal pour m’expliquer la beauté de son métier : « Voir le monde autour de soi, il n’y a que ça. Un homme, vous savez, qui reste dans son village, comme un ours, très bien, il ne voit rien. Et puis la mort c’est la fin de tout. Et il n’a rien vu ». Bien entendu il y avait dans ces propos une exagération bien française : le pêcheur qui reste des heures ou toute une vie au bord de l’eau, le laboureur, le bûcheron dans sa forêt voient des mondes insoupçonnés. Mais ce qu’il voulait dire c’est que les voies d’eau ouvrent l’esprit, l’imaginaire des routes de l’avenir.

C’est pourquoi je vous prie de faire savoir à Monsieur le Ministre que toute l’Ecosse (et peut-être l’Angleterre entière), ainsi que la communauté si sympathique de mes lecteurs, vont porter le deuil à la nouvelle de cette fermeture. En effet le moyen de fortune que nous employâmes  pour aller d’Etreux à Vadencourt paraît peu adapté aux péniches de commerce comme aux bateaux de plaisance qui ont succédé à nos frêles esquifs sur cette voie d’eau. J’espère que vous aurez gain de cause dans votre défense de cette circulation bien douce du canal de la Sambre à l’Oise et je suis de tout cœur à vos côtés.
                                                                         Robert-Louis STEVENSON
Pcc : Ane Vert