Claude HARMELLE, en collaboration avec Gabrielle ELIAS, Les Piqués de l'Aigle, Saint-Antonin ... Fernand BRAUDEL, Théodore ZELDIN

Claude HARMELLE, en collaboration avec Gabrielle ELIAS : Les Piqués de l'aigle (los picats de l'ègla), Saint-Antonin Noble-Val et sa région (1850-1940), Révolution des transports et changement social. Préface de Théodore ZELDIN - Editions Recherches 1982


Plus probant encore que ces images d’une France paysanne attardée*, un petit livre plein de talent nous présente les vicissitudes, de 1850 à 1940,  de la petite ville de Saint-Antonin aujourd’hui chef-lieu de canton dans le département du Tarn-et-Garonne. Bâtie sur le rebord calcaire des Causses qu’entament fortement les gorges de l’Aveyron et de son affluent local, la Bonnette, elle a derrière elle un long passé prospère (un hôtel de ville roman, des maisons gothiques). Bastion protestant  jadis, la petite ville rouergate a été frappée au cœur, en 1685, par la révocation de l’Edit de Nantes. La blessure, à trois siècles de distance, ne s’est pas encore guérie. Elle a la réputation, au dire de son maire qui s’en désole, en 1820, d’être « la ville la plus insoumise du département »….
Fernand BRAUDEL
L’identité de la France, tome III, les hommes et les choses
 *Braudel vient de commenter le livre d’Eugen Weber : « La fin des terroirs : la modernisation de la France rurale 1870-1914 »
C’est un lieu à peine connu du monde, mais qui a beaucoup à dire au monde, et pas seulement aux Français. Claude Harmelle y a exhumé des archives et des mémoires d’une rare richesse, à travers lesquelles on entend distinctement des voix humaines, presque vivantes. J’aime les écrivains qui détruisent les barrières entre le passé et le présent.

Harmelle nous montre une vie insoumise aux lois, aux autorités, aux conformismes qu’on attend des provinces. Les historiens trop souvent simplifient la vie en utilisant l’histoire locale pour illustrer les grands courants du « progrès », du développement inéluctable. Ici, au contraire, on voit la capacité qu’ont les gens pour résister au pouvoir, et à ce qu’on appelle trop facilement la force des choses.

Harmelle nous montre que l’administration a toujours essayé de contrôler la mobilité des gens. Le droit au voyage n’a jamais été inscrit dans les constitutions. Mais on l’a adopté de fait. On n’a pas attendu ni les décrets politiques, ni les constructions économiques, pour voyager. Il ne suffit pas de construire des routes, ou de faire des lignes de chemin de fer, pour inciter le paysan ou le notable à voyager ou à émigrer. La valeur de cette étude est qu’elle met en évidence les disjonctions entre des mondes séparés, entre les pressions et le hasard, entre les faits et l’imaginaire ; elle respecte l’intégralité de chaque individu, de chaque événement, sans tout mélanger au nom d’une causalité simplifiante, sans inventer trop de soi-disant besoins universels pour expliquer la conduite de tout le monde….

Pour comprendre un peuple, ou un village, il faut l’aimer un peu ; on l’aime si l’on apprend à partager, au moins partiellement, ses émotions. A travers ce livre, les habitants de Saint-Antonin deviennent nos proches.
Théodore ZELDIN
St-Anton’s College, Oxford
Le 25 juin 1982

Il reste une dizaine d'exemplaires de ce livre qui sera bientôt réédité en livre électronique, vous pouvez vous le procurer en envoyant un message à l'adresse suivante : asne.vert@gmail.com 

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