dimanche 12 septembre 2010

Jour de fête au village et "cramignons" : ne fermez pas vos poulaillers !

Il y a une semaine je ne savais pas ce qu’était un « cramignon ». J’étais le 15 et 16 août à Liège jour de la grande fête de « Roture », le quartier populaire d’Outre-Meuse, le quartier le plus populaire (ancien faubourg inondable) de la ville. Je vous en reparlerai car j’ai ramené de ces journées 2 heures de « rushes » dont je ferai un documentaire cet hiver. Un air joué par une fanfare m’avait intrigué car c’était un des moments de transe des festivités de clôture de cette fête (le 16 août où l’on enterre « Matî l'Ohê» (Mathieu l’os, en wallon), le public en chantait les paroles que je comprenais mal. J ‘avais juste retenu le début des paroles « tant qu’il y aura… ». Une recherche sur internet m’a conduit aux fêtes des Cramignons, où cet air est souvent chanté et joué. Alors les Cramignons, c’est une fête que la jeunesse (principalement les jeunes couples mais personne ne semble exclu) se donne en dansant dans les rues des villages de la Basse Meuse durant plusieurs jours.

La Basse Meuse ce sont les confins du plateau de Herve (qui produit un fromage qui ne s’oublie pas), sur la rive droite de la Meuse entre Liège et Maastricht. Le beau film qu’a déposé MissAlive (merci à elle) sur Youtube et que je vous donne à voir a été tourné lors de la nuit de clôture du Cramignon du village de Saive. C’est la « flambée de la mascotte ». Moment où, comme souvent dans les traditions carnavalesques, la fête se termine par l’enterrement parodique et symbolique de la fête (l’enterrement de Matî l’Ohê, à Liège, le 16 août, a la même signification). C’est souvent, dans ces fêtes, le moment le plus intime, celui où les touristes sont repartis et où les acteurs des festivités se donnent à eux-mêmes un moment de transe collective : le bouquet final de la fête.

Il est possible que les paroles de la chanson qui est reprise par le public fassent rire jaune les féministes qui ont oublié de lire Rabelais (on dit que les Cramignons remontent au 16ème siècle) car la métaphore des coqs et du poulailler n’est pas « politiquement correcte » même si la suite des paroles s’éloigne un peu de l’humour machiste.
« Tant qu'il y aura des coqs dans un village
Il y aura des poules à surveiller
Des ptits oiseaux sortiront des cages
Pour écouter le rossignol chanter
Si de l'amour vous craignez les ravages
Dites-vous bien, fermant vos poulaillers
Tant qu'il y aura des coqs … »
Bien entendu, dans le film de MissAlive, le tournage de nuit, la danse des flambeaux, donnent une force particulière à l’évènement filmé. Comme le refrain, repris en boucle par la fanfare, qui évoque pour moi l’esthétique des musiques de transe du soufisme et des derviches tourneurs. J’ai toujours aimé les fanfares, les orphéons, les harmonies (et aussi bien d’autres musiques) mais ce qui m’émeut le plus c’est de savoir que dans cette extrême pointe  de la francophonie (la frontière linguistique avec le monde germanique et néerlandophone est à quelques lieues de ce village), la jeunesse sait se donner une fête truculente, en recyclant une chanson d’un répertoire oublié* par la francophonie académique. J’ espère que la Belgique continuera à vivre et à faire la fête, elle y excelle.

* Musique de Romain Desmoulins, paroles de Dommel et Valfy (années 20 ?)

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Trés belle video ... dans le soir déjà tombé mais évoque bien cette fête avec les lampions , les danses et une musique de province

le sacristain dela baie tcho caté

Michel Rostain a dit…

Début 2002. Il pleut, des trombes d'eau. Je suis alité, malade, grelottant de fatigue et de fièvre. Soudain, venant du quai, m'arrivent les échos d'une fanfare. Je me traine à la fenêtre, et j'aperçois un spectacle absolument félinien: sous la tempête énorme, une maigre fanfare, une douzaine de majorettes folles, et une toute petite foule trempée jusqu'aux os mais en fête héroïque derrière un tracteur qui transporte une effigie géante (en bois et carton) vers le bucher qui va la consummer.
C'est à Douarnenez, chaque année, le dernier mercredi des fêtes de Carnaval; les touristes sont partis; c'est le dernier défilé, la dernière fête avant que Carême ne reprenne le pouvoir, dernières bières, on brûle Den Paolig.
Il ne pleut pas tous les ans. Mais le rituel est immuable, et parfait. Après cinq jours de folie carnavalesque, il y a cette soirée nostalgique et heureuse, l’enterrement de Carnaval. Les majorettes s'appliquent chaque année à être totalement nulles, et pour plus de sûreté, leurs rangs sont majoritairement composés des fêtards travestis pour l'occasion. Un soir d'inconscience bienvenue, assurée de ma nullité en la matière, j'ai promis de rejoindre les majorettes de Carnaval à Dz. Il faut que je tienne ma promesse.