lundi 24 mai 2010

Frère des sept moines cisterciens de Tibhirine (s'écrit aussi Tibéhirine)

Mémorial aux 7 moines de Tibhirine au monastère cistercien de Notre-Dame de l'Atlas
(merci à b. Laurent pour cette photo)
Bien sûr, j'ai pensé plus particulièrement à eux aujourd'hui à cause du film de Xavier Beauvois, "Des hommes et des dieux", qui a raté de si peu, semble-t-il, aujourd'hui, la palme d'or à Cannes. Film que je n'ai pas vu bien entendu, je n'étais pas à Cannes et il sortira seulement sur les écrans en septembre, mais dont j'ai lu les critiques élogieuses, comme vous tous sans doute, dans la presse de la semaine écoulée.

Comment expliquer au public, sans doute largement incrédule, de ce blog que je vis depuis 1996 très souvent en communion avec les belles figures de paix de ces sept moines cisterciens ?
Ceux qui me connaissent savent que je vis aujourd'hui sur un lieu cistercien mais une histoire d'adolescence bien singulière me rattache bien plus profondément au courage, à la modestie, au silence, à l'abnégation de soi, à la foi respectueuse de l'autre, des sept moines de Tibhirine. Dans les dernières années, si violentes aux vivants, de la première guerre d'Algérie, l'adolescent que j'étais, élève dans le technique et voué à une mobilisation sans sursis, était déterminé à échapper à cette guerre absurde et cruelle. Passer le bac comme candidat libre ouvrait la voie d'un sursis, c'était une voie de ruse plutôt modeste, je pouvais aussi me déclarer objecteur ou déserter, ce qui impliquait la prison et un prix à payer élevé, je n'en avais sans doute pas tout à fait le courage et cette détermination m'isolait dans mon milieu familial et scolaire. Je réussis à passer le premier bac comme candidat libre l'année même qui clôturait mes études techniques. Ensuite j'entrepris de passer le deuxième bac (philo, c'était assez culotté pour quelqu'un qui avait passé le 1er bac technique) en suivant des cours par correspondance tout en travaillant. A quatre mois du bac je me trouvai en grande difficulté dans mon travail de pion dont je dus démissionner. Les moines de l'abbaye de Cîteaux, mis au courant par un ami de mes projets et de mes difficultés, me donnèrent alors asile à l'hôtellerie de l'abbaye où je pus préparer dans la sérénité ce bac que je réussis.

L'espace de liberté qu'ils me donnèrent fût magnifique et sans contrepartie : le père portier veillait sur mon confort, j'étais libre d'assister aux offices à ma convenance, j'avais accès au jardin et à la ferme de l'abbaye où je croisais, dans le respect de leur silence, les moines de la communauté affairés au travaux des champs et du jardin. Au réfectoire de l'hôtellerie où je prenais mes repas, le plus souvent seul, un petit haut-parleur me reliait au réfectoire des moines où l'un deux lisait, "recto-tono", un livre pour les frères assemblés. J'ai toujours dans ma bibliothèque le livre que la communauté "lisait" ainsi durant les quelques mois de mon séjour : "L'Empire des steppes" de René Grousset. C'est un livre remarquable sur l'histoire des civilisations nomades d'Asie Centrale (Attila, Gengis-Khan, Tamerlan),  travail d'historien au demeurant fort éloigné des clichés sur les "huns" du manuel d'histoire Mallet-Isaac de mon enfance. Choix de lecture à bien des égards surprenant dans une abbaye cistercienne mais qui témoigne que la curiosité et le respect de l'autre de Tibhirine étaient déjà bien ancrés dans le silence de la vie cistercienne de cette époque. 

De ces années m'est resté, moi qui suis si éloigné d'être un croyant exemplaire comme de prétendre à la sainteté, fut-elle minuscule, une fidélité inexpugnable, à un article du credo de mon enfance : la foi en la communion des saints. Je ne dirai rien aujourd'hui des autres articles de ce "credo" qui ressortissent pour moi des mystères de la vie et du secret des cœurs.. Je vous donne simplement à écouter (la voix y est plus importante que l'image), en attendant le film de Xavier Beauvois, un petit film sur Tibhirine trouvé sur la toile.

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