Groupe de soldats du 25 ème GRCA 1940 lieu inconnu,
mon père, Michel Harmelle, est le soldat de gauche à l'arrière du groupe
Je reviens d’une randonnée au sud de Roye (Somme) puis au nord-est de Noyon (Oise) et à Verberie (Oise) dans les pas de mon père, soldat du 25 ème GRCA, lors des ultimes combats de juin 1940. J’ai déjà brièvement évoqué sa mémoire dans un billet précédent (10 mai 1940 Début de l'offensive allemande, le grand historien Marc Bloch est à Bohain-en-Vermandois, dans l'Aisne) auquel vous pouvez vous reporter.
Je crée une page distincte de la temporalité de ce blog, en mémoire de mon père, sur les combats du 25 ème GRCA auquel il participa. Vous pouvez y accéder en cliquant, au bas de la colonne de droite de ce blog, à la rubrique "Documents", sur le lien "Michel Harmelle, un soldat oublié de 1940". Vous pourrez ensuite revenir au blog en cliquant sur l'imagette de l'âne vert.
Je ne donne ici que les grands traits des combats de cette unité ainsi que mes impressions de randonnée.
Après les combats de mai à la frontière belgo-luxembourgeoise à l’ouest de Longwy, le 25 ème GRCA est déplacé sur les fronts de l’Aisne, de la Somme et de l’Oise. Il est d’abord mis en réserve à la défense des ponts de l’Aisne d’Attichy à Choisy au Bac. Le 25 mai, il est mis en réserve du 24 ème corps d’armée « pour colmater les brèches en tous points du front », au sud de Roye (Plessis-de-Roye, Laberlière, Roye-sur-Matz). Ce corps d’armée défend le front de la Somme, au nord, et du canal de Crozat (ou canal de Saint-Quentin) à l’est. Le 5 juin, jour du déclenchement de l’ultime offensive allemande vers le sud, une brèche s’ouvre au sud-est de Noyon, les troupes allemandes franchissent l’Oise à Chauny et menacent Noyon par le sud-est. Le 25ème GRCA participe à la défense de Noyon en tentant d’empêcher les troupes allemandes de franchir l’Oise et le canal latéral de l’Oise vers le nord. Le 25 ème GRCA combat pendant deux jours au sud d’une ligne Baboeuf-Salency-Morlincourt puis se replie vers le nord-ouest de Noyon à un moment où il est presque encerclé (au nord les troupes allemandes ont dépassé Guiscard et à Noyon elles remontent vers le nord au mont Saint-Siméon) et à court de munitions. Il se repositionne à Verberie au sud de l’Oise où l’armée allemande menace de s’engouffrer, vers Paris, dans la trouée entre les forêts de Compiègne et d’Halatte. Au bout de deux jour de combats il est encerclé dans Verberie par des troupes qui ont franchi l’Oise à hauteur de Pont-Ste-Maxence et à l’est de Verberie. L’essentiel du 25ème RCA parvient à briser l’encerclement en combattant et amorce alors une longue retraite où il combat encore pour la défense des ponts de la Seine et de l’Yonne. Il franchit la Loire à Gien et Châteauneuf-sur-Loire le 17 juin quelques heures avant que les ponts soient détruits.
Quand il se regroupe au sud de la Loire le 25ème GRCA a perdu 489 hommes (tués, blessés, disparus ou prisonniers) soit près de la moitié de son effectif. De façon certaine l’unité a perdu 47 tués (parmi lesquels 12 officiers et sous-officiers) et 73 blessés (dont 15 officiers et sous-officiers), beaucoup de tués et de blessés sont présumés parmi les disparus. C’est une unité qui a combattu constamment, notamment sur le front de l’Oise, pour tenter de colmater les brèches et protéger la retraite des autres unités. Elle fait face à un ennemi toujours supérieur en nombre, sans soutien aérien alors qu’elle est en permanence sous le feu des stukas. Autour de Noyon et de Verberie elle combat jour et nuit sans sommeil et presque sans ravitaillement pendant 7 jours alors même que l’approvisionnement en munition, comme les communications avec les unités voisines, sont de plus en plus précaires. Mon père, dans son agenda, rend hommage au colonel Lesage qui commande l’unité « notre colonel est gonflé, un sang froid admirable » écrit-il après Verberie.
On est loin de l’imagerie, longtemps véhiculée par la vox populi, et de façon intéressée par les historiens pétainistes, d’une armée de la République (et du Front Populaire) qui n’aurait pas combattu. Dans un petit livre édité par la mairie de Verberie et que l’on m’a donné fort gracieusement un historien rappelle d’ailleurs ces données qui donnent bien l’échelle de l’âpreté des ces combats : en 14-18, durant les 300 jours de la bataille de Verdun, nombre de tués par jour (côté français) : 1116, et pour les combats de mai-juin 1940 : 3477 tués par jour !
Venons en à ma récente randonnée. Au cours des deux jours passés sur les lieux des combats où mon père fut présent j’ai rencontré des maires, des anonymes, des personnes ressources que le voisinage m’indiquait. Toutes ces rencontres, sauf à Verberie, m’ont confirmé ce que je pressentais : les soldats de 40 sont les oubliés de l’histoire. Les nations préfèrent le plus souvent se souvenir de leurs victoires que de leurs défaites et les soldats de 40 ont le plus souvent été enterrés à la hâte dans des combats d’arrière garde ou laissés à la diligence du vainqueur. Dans ce deuxième cas il semble que les civils mobilisés pour ces tâches d’inhumation ont travaillé à l’économie dans un temps et un espace si dévastés que la survie même des survivants était bien problématique. Le résultat est que même sur les lieux où je sais, soit par le journal de mon père, soit par le journal du 25ème GRCA, que des soldats ont été enterrés (à Baboeuf, à Sallency, à Laberlière par exemple) je ne trouve pas trace de ces tombes. A Sallency une plaque commémorative rappelle les noms de ceux qui sont tombés pour la défense de la commune en juin 40 mais personne ne sait où sont leurs sépultures.
La visite des cimetières militaires de Noyon et de Verberie me confirme dans cette impression. Au cimetière militaire de Noyon, un panneau officiel m’apprend que 773 soldats de la guerre de 40 sont enterrés dans l’ensemble des cimetières militaires de Picardie. C’est peu, compte tenu de ce que je sais des combats. Où sont les autres ? Nul ne semble le savoir. A Noyon, pas de tombes de soldat de 40, à Verberie je les trouve difficilement, ils ont été enterrés, dans le désordre, au milieu des soldats de 14-18. J’apprends, grâce au petit livre que m’a remis la mairie, que le Colonel Lesage, qui commandait le 25 ème GRCA est revenu souvent à Verberie et que c’est grâce à son zèle que les tombes éparses de juin 40 ont été regroupées au cimetière militaire de la ville.
Le souvenir est si vivant, et douloureux, à Verberie, de ces combats, que dans le premier bar où je m’arrête pour me rafraîchir, un inconnu, mon voisin de comptoir, tombe en larmes quand je lui raconte le motif de mon reportage et lui montre l’agenda de mon père, alors même qu’il n’est pas d’âge à avoir vécu cette époque. Il me parle du Colonel Lesage qu’il semble avoir connu et m’envoie à la mairie.
La visite de ces cimetières militaires qui voisinent souvent avec des cimetières allemands et anglais m’apprend aussi une chose que j’ignorais : nos cimetières militaires, dans cette zone, en comparaison des cimetières allemands et anglais, sont entretenus et gérés de façon bien misérable. Anglais et allemands se donnent les moyens de jardiner et de fleurir soigneusement leurs cimetières militaires là où les nôtres sont entretenus à minima. Les monuments funéraires en matériau pauvre (béton armé de mauvaise qualité) se dégradent, voire s’effondrent, sans qu’il y soit porté remède. Les plaques identifiant les soldats morts sont souvent illisibles, parfois cassées ou pendantes, certaines, brisées, jonchent le sol. Je vous livre quelques photos pour porter témoignage de cet état de fait. Je comprends bien l’argument que l’on m’opposera qu’il est plus urgent de s’occuper des vivants que des morts. L’armée qui a tellement marqué de son empreinte ces contrées du nord-est de la France, semble d’ailleurs se préoccuper prioritairement d’accompagner la ruée de mes contemporains vers le sud et l’ouest du pays, cette déshérence est peut-être un corolaire de cela ? Mais je voudrais aussi rappeler aux autorités militaires, qui ont la charge de ces lieux, que les anthropologues conviennent généralement à dater les débuts de nos civilisations aux premières traces, chez les humains, de pratiques de sépulture. Et au cours de ce bref voyage il m’est arrivé de me demander si nous étions encore une « civilisation ».
Cimetière militaire anglais de Noyon, juin 2010
Cimetière militaire français de Noyon, juin 2010
Plaque commémorative des soldats de juin 40 tombés à Salency (Oise)
Tombe collective 14-18 à Laberlière (Oise), juin 2010
Cimetière militaire de Verberie (Oise), juin 2010
Dassonville Guy, sous-lieutenant du 52ème BMM
Mort pour la France le 11-6-1940
Cimetière militaire de Verberie (Oise), juin 2010
Baisse Roger, lieutenant du 94ème RI
Mort pour la France le 11-6-1940
Cimetière militaire de Verberie (Oise), juin 2010
Debargue Marcel, lieutenant du 25ème GRCA
Mort pour la France le 11-6-1940
Cimetière militaire de Verberie (Oise), juin 2010
Assouline Moise, soldat du 94ème RI
Mort pour la France le 11-6-1940
Cimetière militaire de Verberie (Oise), juin 2010
MATHIEUX Joseph, caporal du 105ème RI
Mort pour la France le 7-8-1918
Cimetière militaire de Verberie (Oise), juin 2010
Surcouf Jean, soIdat du 25ème GRCA
Mort pour la France le 11-6-1940
Pour aller vers la page consacrée à mon père vous pouvez cliquer sur l'intitulé suivant : Michel Harmelle
2 commentaires:
Bonsoir,
Merci pour ce témoignage.
Je conseille à tous l'ouvrage de Jean-Pierre RICHARDOT: "100 000 morts oubliés".
Cordialement.
Bonjour,
Je suis tombé par hasard sur votre article qui m'a interessé puisque mon père ( René CRUMIERE né en 1914 décédé en 2005) a été mobilisé en juin 1940 au 25ème GRCA et recherche toute documentation à ce sujet.
Si vous avez vous pouvez me contacter : robert.crumiere@wanadoo.fr
cordialement
Robert CRUMIERE
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