lundi 17 mai 2010

Choses vues aux alentours du Familistère Godin à Guise (Aisne)

Aujourd'hui à Guise, aux portes même du projet Utopia, et jusque dans le périmètre de l'ancien Familistère de Jean-Baptiste André Godin (pavillon Landrecies), prospèrent les marchands de sommeil tandis que la déshérence s'étend au coeur même de la ville ancienne. Peut-on produire du sens, sur un projet de lieu de mémoire ambitieux sur l'oeuvre de Godin, lui qui fonda sa réflexion sur cette misère ouvrière et urbaine de son temps, sans règler ce problème ?  C'est la question que je pose depuis plusieurs années, à l'occasion des inaugurations et festivités qui se tiennent au Familistère, aux politiques qui ont la bonté de m'écouter. Invariablement il m'est répondu "on s'en occupe". Mais comme les choses perdurent j'entends de plus en plus ce "on s'en occupe" sur le ton de "circule, y rien à voir". Et bien aujourd'hui à travers ce reportage photo, il y a à voir ! Et il y a à voir ce que les journaux, les guides et les discours officiels négligent le plus souvent de nous montrer. Oser regarder la vérité du présent, c'est peut-être le début de la solution, c'est mon espoir en mettant en ligne ce reportage.

Sur la bande son vous pouvez entendre la voix de Michel Bouquet disant un texte de Victor Hugo, "Choses vues". C'est un extrait d'un double CD édité par la Bibliothèque sonore, Ed Frémeaux&associés.
 Dans "Etudes sociales n°5" Godin écrivait ceci : "La question de l'habitation ouvrière est depuis longtemps à l'examen. Mais, jusqu'ici, on s'est en est occupé beaucoup moins au point de vue du bien être et de l'amélioration du sort de l'ouvrier, qu'au point de vue des avantages qui devaient en ressortir pour les capitaux engagés dans ces sortes d'entreprises.... La parcimonie dans l'étude des plans a été la conséquence de ces considérations : l'idée préconçue d'un revenu direct et immédiat de ces maisons d'ouvriers, excluait un but social...Les préjugés s'entassent à l'envi pour faire de la maison ouvrière le contraire de ce qu'elle doit être; tout est calculé pour construire des quartiers refuges de misère et de pauvreté..". Voila, il écrivait ça il y a plus d'un siècle (bientôt 1-1/2), c'est toujours d'actualité et les bailleurs sociaux comme les marchands de sommeil se donnent la main pour que ça dure encore un bon moment.
Ajout hiver 2011 : un éminent famillistèrien, Monsieur Patte, m'a signalé récemment une erreur sur le montage audiovisuel. Les photos du Familistère Landrecies qui sont dans le reportage ne représentent pas ce bâtiment (qui ne semble pas aux mains de marchands de sommeil bien qu'il soit assez dégradé) mais un bâtiment qui lui ressemble et qui est un peu plus haut dans la même rue, pratiquement en face de l'usine Godin. Monsieur Patte me dit que les famillistériens appelaient ce bâtiment "Le familistère Gallet". Est-ce par anti-phrase ou faisait-il partie d'un périmètre tardif du Familistère ? Monsieur Patte m'a confirmé qu'il est bien aux mains d'un marchand de sommeil.
Par ailleurs les choses semblent bouger à Guise. Est-ce le résultat de l'audience de ce reportage ? Il semble que le Vieux moulin que l'on voit aussi dans le reportage a été récemment acheté par la ville de Guise pour être démoli. 
Au printemps prochain je ferai le point sur ce blog sur la question des marchands de sommeil et de l'habitat dégradé à Guise

6 commentaires:

Anonyme a dit…

Serait-il pas possible de mettre en ligne les photos du film pour voir mieux la situation que vous decrivez?

Ane-Vert a dit…

Oui je vais essayer de faire dans le courant de la semaine, il faut que je me familiarise avec les sites publics qui permettent ça...

Isabelle a dit…

Et oui,
Je suis passée à Guise à la fin des vacances de Pâques,
et comme vous, au dela du Familistère, en voie de récupération
pour le grand bien des touristes et de mon âme,
j'y ai vu ces bâtiments délabrés, dévastés, abandonnés aux marchand de sommeil !!!

Mais je n'ai pas votre force d'ame, de photographe,
de déchiffreur de texte,
pour faire un assemblage aussi fort que ceui que vous avez fait,
pour les pouvoirs publics !!!

Bravo et quelle émotion avec ce texte d'Hugo.

J'ajouterai que L'Education Nationale
a récupéré l'art pour endormir ses têtes blondes :
après avoir asphixié les programmes de "développement durable",
elle endort ses ouailles avec de "l'Histoire des Arts",
façon de vibrer sur ce qui est politiquement corret à voir,
musées, oeuvres, inventions
et d'en oublier simplement l'essentiel,
la misère, la pauvreté, la désespérance
qui git à ses côtés.

Votre montage pourrait leur être envoyé,
car l'art, c'est l'humain qui s'affaiblit, se détourne, est raillé par ses pairs,
et c'est bien de cela que nos élèves devraient être abreuvés !!!

Que ferais-je demain :
leur montrer le familistère
ou votre video ?

Anonyme a dit…

La brasserie ne sera plus qu'un vieux souvenir en 2011, déjà une tranche de faite....

Anonyme a dit…

triste réalité de la misère de notre ville!!
rectificatif ce n'est pas "le familistere landrecies mais "le familistere des pompiers" !!!!

Ane-Vert a dit…

Pourtant il est désigné comme "Landrecies" dans les documents historiques publiés par le Syndicat Mixte. Quant à la misère urbaine qui entoure l'entreprise muséographique, il appartient à tous ceux qui aiment cette ville de faire bouger les choses. Mettre les problèmes sur la place publique peut y aider. Cet été la Mairie a plusieurs fois communiqué sur le fait qu'elle allait empoigner le problème. Il est question qu'elle exproprie le vieux moulin et le détruise par exemple... J'espère que ce ne sont pas que des effets d'annonces. De nouveaux HLM sont aussi en train de sortir de terre, je ne suis pas sûr qu'ils soient adaptés à la population très précarisée que logent les marchands de sommeil, c'est à voir... Je note que ce reportage est une des pages les plus visitées de ce blog, je reparlerai de ces choses si nécessaire, il est urgent, à Guise, de ne pas s'en tenir à la déploration...