dimanche 4 avril 2010

Un écrivain picard originaire du nord de l'Aisne, trop oublié : Maurice Lelong op

Portrait du RP Maurice Lelong op, courtoisie d'Odette Ducarre



 Avant de lire cette contribution, lisez, de préférence, la contribution précédente, sur la "Célébration de l'œuf" qui inclut une longue citation de souvenirs de la petite enfance picarde  de Maurice Lelong.

Ce temps de Pâques est pour moi l’anniversaire (le cinquantième) d’une rencontre qui fut brève mais changeât le cour de ma vie d’adolescent. Profitant des vacances de Pâques je participais à une session de formation à l’économie (on dirait aujourd’hui à l’économie solidaire) qui se déroulait sur le site de l’abbaye dominicaine de l’Arbresle (construite par Le Corbusier) au nord de Lyon.  A un moment de détente je rencontrai dans le jardin de l’abbaye un père dominicain qui était là de passage comme moi me dit-il : le RP Maurice Lelong. Belle figure bienveillante, il s’enquit de mon jeune âge, de mes études et de mes soucis. J’étais dans le technique, préparant un BEI de mécanique, une filière courte qui ne m’ouvrait aucune perspective de sursis militaire. C’était le temps de la guerre d’Algérie et de ses horreurs, je lui dis que je ne voulais pas faire cette guerre et que j’envisageais de déserter si on m’y envoyait. Je lisais alors, souvent en cachette,  « Témoignage Chrétien » et ce que je savais des pères dominicains me faisait espérer une sympathie pour cette résolution d’adolescent. Il s‘inquiéta d’où je vivais, de ma famille et il me dit que c’était une résolution bien lourde, que les soutiens seraient difficiles à trouver dans mon milieu modeste et provincial, que le prix à payer serait long à porter. Et il me prodigua ce conseil qui n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd : « Tu as l’air vif et intelligent, passe le bac comme candidat libre, tu auras un sursis, et la guerre sera finie ».

Rentré au lycée, j’en parlai à mon professeur de français qui était un homme droit et bienveillant. Il me prêta une méthode Assimil pour commencer à apprendre l’anglais (nous n’avions pas de cours de langues étrangères dans le technique) et me conseilla d’en parler au dirlo.
Le dirlo affectait l’ennui hautain du type qui se demande  par quelle méprise on a pu le nommer dans un lycée si peu prestigieux (même pas une Sous-Préfecture !) et il semblait surtout affairé à surveiller la promotion qui le délivrerait de  cet ennui. Un livre qu’il avait écrit sur Maupassant trônait  depuis deux ans en bonne place dans la vitrine de la librairie-papeterie face au lycée, c’était un notable lettré un tantinet cabotin, on lui connaissait quelques aventures en ville qu’il portait fier. Il accueillit froidement mon projet « Vous vous prenez pour qui mon petit machin ? », il ne voyait pas comment il pouvait m’aider. Aucun égard pour le fait que je récoltais tous les prix d’excellence, hors les notes d’atelier où j’étais plutôt lent et souvent maladroit, je m’abstins de lui parler de la guerre et des conseils du père Lelong. Nous n’étions pas du même monde.

Loin de me décourager, la morgue du dirlo me fut un carburant efficace, je bossai dur et l’année suivante je réussis, en même temps que le Brevet d’Enseignement Industriel, le premier bac. J’eus un sursis pour préparer le second, en travaillant comme pion.
Je n’ai jamais revu le RP Maurice Lelong (n’oubliez pas son prénom car il a un homonyme qui publie encore et dont l’écriture n’est pas du même tonneau)  mais, étudiant, je le redécouvris comme auteur des « Célébrations » (du Fromage, du Miel, de l’Âne, de l’Œuf, du Cimetière, de l’Art Militaire, de l’Andouille, du Fumier, du Vin, du Pain, publiées par un éditeur remarquablement innovant de ces années là : Robert Morel (Odette Ducarre réalisait les maquettes somptueuses).
  

Je vous reparlerai du Père Lelong car c’est une figure  littéraire, trop oubliée, du département de l’Aisne. Il aimait parler de la Picardie nord-axonaise de son enfance et la plupart des « Célébrations » contiennent des souvenirs passionnants sur la vie quotidienne et la langue truculente des familles de tisserands à domicile (à Estrées on dit encore les « trics-tracs ») de ces contrées avant la guerre de 14 (qui le rendit définitivement anti-militariste). Son goût pour le Maroilles le faisait le plus souvent s’identifier à la Thiérache et à l’Avesnois bien qu’il  soit né (en 1900) et ait vécu son enfance à Estrées dans le Vermandois, un peu au nord de Saint-Quentin. Quelques-uns se souviennent sans doute de l’homélie mémorable sur le fromage, radiodiffusée sur les ondes publiques,  qu’il prononça en 1962 en l’église de Maroilles, en présence des autorités, pour les fêtes du millénaire de « la merveille de Maroilles ». Ce fut, à n’en pas douter, le sommet d’une longue carrière de prédicateur radiophonique. Genre qu’il avait quasi inventé dans les années 3O sur la station PTT (l’enfance du service public radiophonique) de Strasbourg.  Je vous ferai entendre sa voix quand j’aurai résolu quelques problèmes techniques. Et aussi quelques extraits de cette célébration du Fromage .

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