dimanche 11 avril 2010

La région Picardie innove en élisant un vice-président chargé du temps qu'il fait !

Après la rose de Picardie, la rose des vents, nouvel emblème de la Région Picardie ?

Lecteur de cette chronique sois attentif à la syntaxe. Quand j’ai lu sur le site du Conseil Régional de Picardie que l’un de ses vice-présidents récemment élu (le deuxième) était chargé du climat, mes neurones ont tressailli. J’ai été relire l’énoncé de ses délégations et je n’avais pas rêvé : il était bien écrit : « Eco-développement, virgule, Energie, virgule, Climat » et pas « Eco-développement, Energie-climat » avec un tiret. Si j’avais lu « Energie-climat » je me serais dit, c’est courageux mais finalement dans l’ordre du raisonnable, la région picarde n’accepte pas l’échec des négociations de Copenhague et s’engage dans une réflexion et des actions pour limiter  l’impact de nos consommations d’énergies sur le changement climatique.
 
Mais avec une virgule ce n’est plus le couple Energie-climat qui est en jeu mais c’est le climat lui même qui est la compétence de ce vice-président. Donc pour la première fois sans doute sur la planète, la région picarde innove en nous dotant d’une sorte de Ministère du temps qu’il fait. C’est une INNOVATION ENORME, une telle chose ne s’était pas vue depuis que Philippe le Bel, au XIVème siècle désigna les Templiers comme « faiseurs de la pluie et du beau temps, en son royaume» et conséquemment les fit sur un bûcher périr. 
 
On mesurera l’audace inouïe de cette novation en rappelant que même une autorité scientifique aussi haute que Météo-France n’a jamais franchi ce pas. Chaque fois que des agriculteurs mécontents manifestent devant ses antennes régionales pour se plaindre du temps qu’il fait eu égard à la qualité de leurs récoltes, Météo-France fait prudemment savoir qu’elle a en charge l’observation du phénomène et la prévision du temps qu’il fera mais pas du tout du pouvoir de faire la pluie et le beau temps.
 
Foin donc de cette modestie hypocrite ! Et je me réjouis, comme picard, que nos plus hautes autorités se souviennent enfin que la fierté est un trait essentiel de l’âme picarde : « Roi ne suis, ne prince, ne duc, ne comte aussi. Je suis le sire de Coucy ! » proclamaient déjà, en leurs blasons, leurs prédécesseurs.
 
Un des risques de cette audace (mais on  ne fait pas d’omelette sans casser les œufs) est cependant de refermer cette belle question ouverte par Jean-Paul Vaillant dans la revue la Grive : il parlait de l’Ardenne mais c’est un pays si voisin qu’elle est d’actualité aussi en pays picards : « L’Ardenne raturée par les pluies, sabrée par les vents, blessée par les guerres, âpre, triste, douloureuse et vieille… d’où vient que ses habitants l’aiment si farouchement » (cité par André Dhôtel dans « Lointaines Ardennes »). L’observateur attentif que je suis de nos conversations les plus quotidiennes ne peut s’empêcher de se  demander : comment pourronsnous continuer à aimer la Picardie, et notre prochain, si la météorologie, devenue une chose si sérieuse, quasi ministérielle, nous prive de nous plaindre du temps qu’il fait ?
 
Mais comme un bonheur ne vient jamais seul, je note qu’on a eu la sagesse de nous doter d’un vice-président au climat et pas d’un vice-président aux micro-climats. Chacun peut en effet observer qu’en matière météorologique il en est comme du temps des horloges : chacun voit midi à sa porte ! Quand l’herbager de Thiérache souhaite un peu de pluie pour reverdir ses pâtures, la grande culture en Santerre espère beaucoup de soleil pour faire murir son froment. Quand le chasseur de la baie de Somme espère un temps de canards, l’automobiliste picard espère un automne bien sec quand les betteraves –si glissantes par temps humide- prennent la route des sucreries. Et l’estivant qui barbote dans les eaux des côtes du Vimeu comprend rarement les plaintes afférentes à la canicule dans l’arrière pays.
 
Les poseurs de paratonnerres, les tireurs de fusées contre l’orage ou la grêle, les promoteurs de pèlerinages pour tous ceux qui espèrent les faveurs du ciel, les propagateurs de mauvaises nouvelles, les fabricants de PPRI, les marchands de parapluie ou de filtres anti-UV, n’ont donc pas à s’inquiéter pour leurs fonds de commerces : le débat météorologique restera ouvert malgré sa récente promotion au rang de priorité régionale.
 
Je salue le courage de ce nouveau et si jeune vice-président de notre belle région. Et j’espère qu’il saura trouver, dans la mise en œuvre de son programme climatique, le juste équilibre du bien public et de l’intérêt général. Faute de quoi la sanction pourrait être sévère : si le temps qu’il fera ne convient pas au plus grand nombre, les démagogues ne manqueront pas de le désigner comme bouc émissaire des aléas de ses missions. 
 
Une pensée m’est aussi venue en lisant ces nouvelles ; c’est qu’en déléguant cette compétence si innovante à un de ses vice-présidents, le Président Gewerc avait peut-être aussi voulu ouvrir un espace métaphorique. De sa jeunesse quelque peu libertaire il se souvient sans doute d’avoir lu comme moi les bons auteurs – issus pour la plupart de la résistance dans les milieux psychiatriques - du courant de la psychothérapie institutionnelle (Tosquelles, Bonnafé, Jean Oury, Guattari..etc). Ce courant a souvent souligné, que l’urgence climatique, dans les institutions humaines, c’est de « traiter l’ambiance » comme le répète si souvent, avec le sourire qu'on lui connait, Jean Oury. Gageons donc, si mon intuition est fondée, que cette promotion du climat comme nouvelle ambition politique saura mettre un peu de bonne humeur dans les travaux de notre nouvelle assemblée régionale.

6 commentaires:

Thierry D. a dit…

Très drôle !
Je l'ai vérifié auprès de nos concitoyens : les compétences du Conseil Régional ne sont pas assez connues.
Je ne ferai cependant pas publicité de cette nouvelle compétence, que je trouve assez hasardeuse... ^__^

Ane-Vert a dit…

Merci Thierry et merci au lecteur anonyme qui m'a signalé une énorme faute d'orthographe dans le premier jet de ce texte. Il fallait le faire pour un billet dont le point de départ était une question de syntaxe !
Mes excuses donc à mes lecteurs (très nombreux, merci à eux) à qui j'ai infligé cette faute. J'avais prévenu mes lecteurs que je pouvais porter fièrement le bonnet d'âne, mais ce n'est pas une excuse.
Quelqu'un de bien facétieux avait écrit en 68, sur les murs de Paris, "l'ortograf cé dès mandarines", il oubliait que c'est aussi une politesse.

Anonyme a dit…

Je ne trouve rien sur le site du conseil regional qui corresponde à ce que vous dites

Ane-Vert a dit…

Pour l'anonyme : ce que j'ai vu était visible sur l'ongle "l'institution" puis sur "le gouvernement de la région". Peut-être que ça a été modifié depuis, je n'ai pas été vérifier. De toute façon comprenez bien que je n'instruis pas un procès

Thierry D. a dit…

Ca n'a rien à voir...
Cher Ane-vert, je t'ai "tagué" (voir l'article d'hier sur mon blog). C'est un petit jeu, entre "copains" blogueurs, qui permet de créer du "lien social" en faisant connaître nos copains à d'autres copains.
Tu n'es pas obligé d'y répondre (bien sûr) et tu peux y jouer, même si tu romps la "chaîne" en ne "taguant" personne.

Cliquez ici a dit…

A l'anonyme : j'ai retrouvé la page en question, qui n'a pas été modifiée